#40jours #19 | Conte

C’est avant et le mur est si haut. De l’autre côté ils ne peuvent pas voir. Ils attendant. En rang serré. Des manteaux. Des écharpes, leurs bonnets mais aussi des têtes nues. Des robes d’été,  des épaules nues. Des bottes, des escarpins, des sandales; même des pieds nus. Aux doigts des mains leurs alliances, leurs bagues, ou rien, leurs doigts. Quelques uns portent des gants. Les plus petits des moufles. Des bijoux aux oreilles scintillent. Des cheveux noirs. Des cheveux blonds. Des chevelures rousses. Une épingle à cheveux. Elle brille. Une parure sur une nuque très pâle. Cette écorchure. Qui l’a blessée ? Clara ne me voit pas, tournée avec eux vers le mur elle regarde. Elle regarde le mur. Avec eux. Elle attend. S’il y a une porte, se demandent, et quand elle s’ouvrira. Je vois la nuque de Clara qui saigne. Je me souviens qu’un oiseau chantait dans cet arbre qu’on ne voyait pas. Un rouge gorge. Clara ne s’est pas retournée. Et rien ne s’est ouvert. Ce qu’ils attendaient nul ne peut le dire. Même quand on a empilé leurs affaires. On n’a pas su. Ou bien les mots manquaient. Ou bien ils se taisaient. Les mots. C’est une histoire qu’elle racontait. Pour prendre patience, elle disait. Un conte qu’elle avait inventé. Pour attendre. Elle n’a jamais perdu espoir en dix huit mois de silence. De presque silence. Une lettre était venue à elle. On ne sait pas bien comment. Une lettre était venue. S’était glissée de sous la paille. Avant le silence. Et puis à la radio un matin (dix huit mois comme deux naissances). La liste. Une liste de noms De peu de nom. Un nom. Le sien. Elle s’est évanouie. Une nuit et un jour presque entier elle est restée. Là où elle était tombée. Sans bouger. Elle a eu peur de tout effacer en bougeant. Les pas qui montent l’escalier sont comme un bruissement de feuilles. D’automne. Mortes. En avril. Il est là avec sa drôle de tête, comme des trous. Les rayures de sa chemise pendent autour de ses bras. Il a pris le métro sans billet. Il est là.

A propos de Nathalie Holt

Rêve de peinture. Quarante ans de scénographie plus loin, écrit pour lire et ne photographie pas que son lit.

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