La moquette du salon de l’appartement de Danielle Merle, rue du Dôme, était orange. L’appartement avait appartenu à un vieux gaulliste fumeur de pipe qui pendant trente ans l’avait tapissé d’une patine boueuse. Dans un élan d’optimisme pop, Danielle avait capitonné son canapé Togo râpé de suédine lavande (ce qu’elle regrettait un peu) et choisi cette moquette orange (de la pure laine hors de prix) au Saint Maclou de la place Marcel Sembat. En ce matin de mai 1981, Danielle buvait une tasse de thé en regardant le gâchis et d’assiettes et de verres qui jonchaient le sol orange et moelleux. La veille, les membres du club politique « Dialogues et Programmes » s’étaient retrouvé chez elle pour resserrer les rangs. Tout le monde était très excité, parlait fort et on avait beaucoup bu. Son patron et mentor, Mainard s’était montré brillant, visionnaire mais la moquette était fichue. Une giclée brunâtre avait irrémédiablement imprégné les brins de laine (de la pure laine vierge, quelle bêtise!). Cela faisait trois ans que Danielle travaillait pour Mainard comme secrétaire générale de Dialogues et Programmes et cela avait été les années les plus exaltantes de son existence. Mainard l’avait repérée en 1978 alors qu’elle tractait le samedi matin au marché de la route de la reine à Boulogne Billancourt. Et voilà : trois ans plus tard, elle avait 38 ans. Mainard s’apprêtait à changer la vie et elle allait devoir changer la moquette.
Un ballet de personnes, de moments, d’objets. Curieuse danse. Merci.
Bonjour Geneviève,
le zoom arrière dans le temps et le minuscule des miettes sur un tapis, un mélange qui emplit d’une bonne joie, truculant !
On sait où on est et qu’il va falloir partit. moi, j’aime bien.