#40jours #14 | RER A simili cuir

Quatre passagers assis installés à l’étage inférieur du wagon. Une vingtaine de places, la plupart occupées. Ils ont descendu trois marches hautes recouvertes de revêtement antidérapant. L’assise est adoucie par un simili velours gris dans un îlot de quatre sièges face à face deux à deux. Quelques traits rouges, roses, et verts traversent le carré de velour dessinant des traces de couleur d’apparence spontanées. Le train stationne. « Les Halles » écrit en caractère majuscule sur le support accroché verticalement à la voute derrière la vitre. Des inscriptions écrites sur un film plastique sont collées sur le verre.

Dans le carré, le carré d’un habitable de coque marine, ici habitacle de coque ferroviaire, une jeune femme âge d’environ 18 ans porte un sac en simili cuir marron clair décoré de lettres majuscules V dont les jambes des lettres L et V s’enchevêtrent. Les capitales alternent avec des fleurs de lys. Le sac immite une marque de haute couture dont l’initiale est V. Un panneau promotionnel pour une marque de haute couture du même nom est accroché sur une façade en rénovation à l’extérieur. L’affiche montre une femme en vue d’en souligner le style vestimentaire sur la façade latérale d’un échafaudage. Le panneau est visible de l’est de la ville, depuis la terrasse panoramique de l’Institut du Monde Arabe.

A proximité de la bâche de protection publicitaire, la cathédrale Notre-Dame est facilement identifiable,, avant même de reconnaître le style gothique par ses deux tours et la quantité de sculptures sur le bâtiment. Une grande partie du toit et le mur latéral sont recouverts d’échafaudages. Qui n’aurait pas connaissance du grave incendie dont l’édifice a été l’objet, remarque une enveloppe de pansement et tubes aluminium inquiétante. Un soin à l’opposé de l’emballage de l’Arc de Triomphe par un film doré géant et un cordage pendant quelques semaines. L’arc, bien qu’ouvrant sur l’alignement des Champs-Élysées, avec un certain triomphe sur l’organisation spatiale autour de lui, est moins élevé que le bâtiment sur lequel la bâche publicitaire en faveur de la marque Vuitton est accroché.

La photo grand format du modèle féminin sur l’échaffaudage est visible du parvis de l’hôtel de ville, du pont d’Austerlitz, de la terrasse de l’Institut du monde arabe. La toile plissée emballant l’Arc en a souligné l’ornementation. Une bandoulière en anneaux dorés suspend l’étui du sac de simili cuir d’imitation Vuitton à l’épaule de la passagère. Sa main est posée sur la boule d’accrochage. Chacun de ses doigts porte un faux-ongle de plastique blanc de la couleur de ses oreilles sans fil. À sa droite la place est vide. En face un homme de type africain porte des savates en cuir marron dont seul le pouce tenu par une anse retient la semelle au pied pendant la marche. Il est habillé d’une chemise à fleurs.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.