#40jours #3 | rosa, rosa, rosam

Ici c’est une allée qui se voit nommée Rosa Parks. Quelques rues, une avenue, quelques écoles, la toponymie reste rare, rattrapage et souci de la présence noire dans les rues de France, mais une présence consensuelle, loin de nos relents coloniaux, une femme afrodescendante américaine qui veut une place dans le bus ! Pas de polémique. Cette allée-ci, récente sans doute au vue des travaux dans le quartier, ne se longe qu’à pied, le long d’une école du même nom. Elle est étroite et verdoyante aux beaux jours, équipée de nombreux lampadaires à la douce lumière jaune qui rassurent en hiver, au sol, un enrobé de béton et de cailloux ronds. Elle relie l’impasse Henri Martin à l’avenue de Verdun, un semblant de barrière empêche les scooters de passer. À quelques kilomètres coule la Seine.

L’avenue Rosa Parks, une de ces rues du XXIe siècle réinventées sur les erreurs des années 60, totalement reconfigurée et renommée par la même occasion, séparant les flux : déplacements en mode doux, voitures sur une voie, espace central, végétalisation, mobilier urbain, larges trottoirs, elle devenue une des principales voies d’entrée du quartier. Au niveau du 24 de l’avenue Rosa Parks, depuis l’esplanade du centre social, on fait face à un tour de passe-passe du paysage : la ville s’enfonce. Au point haut d’un vallon profond et étroit qu’elle traverse, la rue large de dix-sept mètres prend appui, comme le ferait une route de montagne, sur un contrefort construit sur un remblai au dessus d’un mur de six mètres de haut. Des quelques maisons bâties de longue date dans le vallon en contrebas de la rue, auxquelles on accède par des petites allées, des venelles, un escalier peut-être, on ne voit que le haut des toits, et les cimes des arbres de leurs jardins, un petit univers cossu à demi caché, surmonté d’une avenue suspendue, à l’entrée d’un quartier densément peuplé, dominé par la Tour, bâtiment emblématique haut de 35 étages.

Le collège Rosa Parks a 10 ans cette année, et porte les traces reconnaissables de cette architecture des années 2010 dessinée dans les années 2000 : entrée surveillée sous un porche, double façade en lamelles de bois orientables, il s’étend sur une centaine de mètres et tient la rue étroite, c’est la Rue de Lyon, on devine l’ancienne voie de sortie de ville vers le nord, bordée encore de deux garages et pièces détachées, et d’autres sans doute, mais fermés ceux-là. Sur le côté, une petite rangée de maisons basses fait suite au collège, elle est destinée à la démolition — pas rentable ce terrain sous occupé ! En grosses lettres rouges soulignées de noir, sur un fond jaune, dans un large rectangle de la largeur du bâti, on lit SIMCA, au-dessus en médaillon rouge et lettre blanche, surmonté d’un signe bleu, on lit aussi le nom de la marque disparue depuis longtemps dans un acronyme à trois lettres dont personne ne se souvient que le S raconte une autre histoire d’acronymes plus ancienne et d’un logo bleu, blanc, rouge.

A propos de Catherine Serre

CATHERINE SERRE – écrit depuis longtemps et n'importe où, des mots au son et à la vidéo, une langue rythmée et imprégnée du sonore, tentative de vivre dans ce monde désarticulé, elle publie régulièrement en revue papier et web, les lit et les remercie d'exister, réalise des poèmactions aussi souvent que nécessaire, des expoèmes alliant art visuel et mots, pour Fiestival Maelström, lance Entremet, chronique vidéo pour Faim ! festival de poésie en ligne. BLog : (en recreation - de retour en janvier ) Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCZe5OM9jhVEKLYJd4cQqbxQ

8 commentaires à propos de “#40jours #3 | rosa, rosa, rosam”

  1. Bravo, Catherine !!
    Trois fois Rosa Parks qui font bien plaisir à lire.
    Tu n’as pas choisi l’arrêt du tram parisien, mais j’aime beaucoup tes choix !

    • Hello Fil,
      je ne l’ai pas vu cet arrêt de bus (je n’ai pas fait de recherche avec bus ! pas maline maline), et il y a quand même plus de 3 occurances sur ce nom là, (c’était vers ton ancien logement non ? )

  2. Merci Catherine. Pris le 60 a ton arrêt de bus, jusqu’à Ordener. Fini1 à pieds jusqu’au jardin Rosa Luxemburg. Histoire de changer d’arrondissement.

    • On peut dire que toi et Fil m’obligent à fouiller le réseau RATP, et cette gare qui d’Evangile devient Rosa…et ces trams et arrêts de bus… je ne suis pas entrée par là – le lien avec les transports, mais ça me plaît bien d’y retourner voir et si je t’ai offert un tour à la capitale, tant mieux,

  3. Emue par ton enquête. Rosa Parks: une allée, une avenue, mais une toponymie afro-féminine assez rare malgré tout dans les rues du monde. Elle partage avec Wangari Maathai la liste des personnalités nommées pour la féminisation des noms de rue en France.