#40jours #01 | debout à la fenêtre

Elle est debout, la tête penchée sur une lettre. Elle se tient droite face au bureau, la chaise tirée en arrière à distance. Elle est toute à sa lecture. La fenêtre sur sa gauche laisse entrer la lumière du soir qui se reflète dans son œil attentif mais distant de tout ce qui l’entoure, la fait plisser des yeux et l’enveloppe d’un halo de chaleur. Toute son attention est tournée vers le souvenir de la lettre, elle se demande que sont devenus les mots posés là depuis. La fenêtre est au premier étage et s’ouvre sur un jardin mitoyen verdoyant. Elle n’entend pas les oiseaux qui virevoltent autour de la maison pâle à la porte rouge, devenue grise et massive, d’où elle est arrivée par la petite allée de gravillons bordée de grands arbres. La rue de cette ville d’Ile de France est calme à présent, elle entend au loin un RER qui la ramène au temps où elle savait qu’en fonction du sens du vent on les entend ou pas. Elle approche la chaise pour s’y assoir, et se délecte de ce souvenir diffus d’un temps révolu, comme un secret qu’elle déploie au-delà des murs de cette chambre si souvent réaménagée et toujours fidèle à son volume de départ, un peu plus petite que les autres mais tout à fait à sa mesure, un cocon qu’elle peut emporter dans l’étendu de sa vie, et où peut vivre l’infiniment petit de sa peine qu’elle garde en creux malgré elle, protégée des autres. Elle s’éloigne du faisceau de lumière et s’arrête un instant en bas de la petite marche qui la sépare du couloir, puis repousse la porte derrière elle sans la fermer.

A propos de Marie Tutello

Présente aux ateliers du Tiers Livre depuis le cycle progression de l'été 2021, une soif d'écrire étanchée et entretenue depuis, parfois par intermittence.

6 commentaires à propos de “#40jours #01 | debout à la fenêtre”

  1. Bonjour j’aimerai savoir la suite peut-etre en découvrant vos prochaines contributions…

  2. Bonjour Marie. Texte cinétique, comme dirait François, où le mouvement me semble un aller-retour permanent à la fois spatial et temporel. On zoome et on dézoome ; ce qui donne envie d’en savoir plus.
    « dans l’étendu de sa vie » : je ne sais pas si vous avez sciemment choisi d’écrire « étendu » sans e mais je trouve dans cette orthographe beaucoup plus de mouvement que l’étenduE. Je vois la vie se déployer comme un drap et faire écho au reste du texte. Intéressant.