Affleurements

Longues heures à scruter le plafond et ses reliefs sous la couette épaisse. Puis, se retourner, glisser les mains sous l’oreiller à l’endroit exact où reposera la joue, et se réfugier dans un sommeil blanc.

Un léger tremblement du corps et un violent ressac aux tempes alors que, mi-clos, irrités par la lumière froide, les yeux auscultent cette chambre singulière. La couche est dure, la couverture rêche. Tout est gris, béton, excepté la porte de métal qui est bleue. Une odeur de salpêtre flotte autour de moi.

Je m’endors au pied d’une Tour carrée grise de 19 m de hauteur. Des éclats réguliers toutes les 5 secondes balayent la fenêtre. Je fais des rêves binaires.

Longues nuits à faire tourner la douleur d’un coude à l’autre, d’un bras à l’autre, puis recaler inlassablement le faisceau lumineux de la lampe torche pour suivre la ligne sur la page.

Le vent marin, froid et poisseux, entre par grandes bouffées dans la pièce enfumée par la mauvaise combustion du pain de tourbe. Le duvet remonté jusqu’aux yeux, nous nous observons, indécis.

Les pas crissent sur le revêtement synthétique du gymnase où nous sommes un peu moins d’une centaine de « pèlerins », épuisés, couchés à même le sol, têtes sur nos sacs. La façade lumineuse d’un distributeur de boissons baigne d’une lueur crépusculaire les corps alignés.

Son petit corps chaud repose sur ma poitrine. L’eau perle à la jointure de nos peaux. Je cale ma respiration sur la sienne : deux inspirations pour lui, une pour moi. Les rideaux de lin s’animent en petites vaguelettes. Nous nous endormons drapé du vent d’été.

Je m’éveille de la sieste et j’observe de mon lit trois petits corps assoupis sur des matelas à même le parquet, dans une pièce chaude et sèche. Soudain, les voilà surplombés par une petit forme noire et menaçante, le glaive dressé et prêt à s’abattre.

La caverne. Des ombres glissent sur la toile de la tente. Des grognements s’approchent, se déploient alentour. Instinctivement, nous nous rapprochons, épaule contre épaule, sursautant au moindre souffle du vent qui gonfle le fragile cocon. Effroi. L’illusion est parfaite.

Matin. Coqs, vaches et ânes, dans le petit vallon verdoyant, mêlent leurs paroles à celles des oiseaux et m’enjoignent de les retrouver, là, dehors, dans ce petit tableau naïf et champêtre encadré par la fenêtre de la chambre.


A propos de Xavier Waechter

"L'écriture amène à faire le tour des choses" (Jacques Serena)