#enfances # 07 l’étrange machine

Haute sur patte, c’est sans doute ce qu’il y a de plus caractéristique à en dire. Grêle, fuselée jusqu’à l’instabilité, d’autant plus que ce qu’il y a en haut des pattes est étrange et de peu d’ampleur : une sorte de planche rainurée dans les rainures de laquelle se trouvent une infinité d’aiguilles munies chacune d’une petite mâchoire qui s’ouvre et se ferme. Une sorte de peigne sert à décaler les aiguilles et des poids s’accrochent à l’ouvrage en cours. Des accessoires qu’il ne faut pas perdre.La machine à tricoter trône dans la chambre sans occupants qui deviendra bien des années plus tard celle de mon petit frère. Ma mère passe sur la planche une sorte de charriot dans un sens puis dans l’autre, après avoir monté la laine dans le râtelier des petites aiguilles. Je garde le souvenir que ce passage du charriot n’a rien de simple, ça coince souvent. Pas vraiment plus simple que d’actionner un métier Jacquard.

La chose n’a sans doute pas fonctionné souvent ou alors j’ai oublié. Ce que je n’ai pas oublié, c’est la sensation sur la peau des maillots de bain en laine qu’elle nous faisait porter et qui sortaient des modèles de Modes et travaux. Secs ils grattaient, mouillés ils ne séchaient jamais. Ils séchaient si peu qu’il fallait les quitter rapidement pour une séance de bronzette cul-nu censée accroitre nos réserves en vitamine D (séances qui n’empêchaient pas l’huile de foie de morue en large cuillère avant le café au lait). Sûr que je ne l’oublierai jamais, il y a même des photos qui m’amusent maintenant, mais qui m’ont semblé pendant longtemps le summum de l’impudeur et une pratique honteuse et condamnable. Quel monstre pouvait être ma mère pour exposer ainsi ses enfants à la vue de tous. Qu’est devenue la machine à tricoter ? Donnée sans doute. Plus tard maman s’est remise au tricot avec des aiguilles pour ses petits enfants, dont elle s’est beaucoup occupée les couvrant toujours précautionneusement du soleil.

La machine à tricoter se vend encore. Toujours aussi complexe à utiliser. Il y a des tutos. Elles servent aux professionnels (dénommés techniciens du tricot, plus noble que les tricoteuses des boutiques Phildar) pour la confection de pulls de luxe, mais aussi aux passionnées (québécoises) qui exercent leur créativité en matière de tricot et vendent leurs créations sur Etsy. Le modèle rond en plastique que l’on pose sur ses genoux actionnée par une petite manivelle semble avoir un grand succès. ça fait de belles tuques.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

4 commentaires à propos de “#enfances # 07 l’étrange machine”

  1. ouh cette machine des années 70, une infinité d’aiguilles munies chacune d’une petite mâchoire qui s’ouvre et se ferme. Machine de supplice, temps de vaches maigres. Je voulais vous dire merci pour le souvenir.

  2. J’aime beaucoup la machine à tricoter « haute sur pattes, grêle, fuselée », comme une sauterelle ou un flamant et les maillots de bain tricotés et Modes et Travaux avec les patrons à détacher au milieu…