#été2023 #4bis | Tant pis

Est-on passé par la même journée ? Pas tout à fait.

A côté des journées laissées ouvertes, d’autres restaient des années volets fermés. Des vieilles maisons abandonnées dans une rue morne. Elles restaient fixes, accumulant poussières, rongeurs et pigeons. Les pièces étaient vides, dans le noir. Chacun y passait quelques jours dans l’année, pas forcément le jour où l’on visitait les morts, cela pouvait être dans les heures de nuit des journées d’hiver, vers cinq heures de l’après-midi. Au départ rien ne signalait que la journée fermait à part le jour penché sur le solstice, mais l’inclinaison amenait une légère pente, une faille. Si les jours étaient courts c’est que les jours étaient trop courts, les jours trop courts étaient des heures qui n’avaient pas été, qui n’avaient pas pu être. Les heures qui n’avaient pas pu être étaient les heures qui n’avaient pas pu être chez ceux où nous aurions voulu qu’elles soient. Une sensation d’illimité pointait au plus court de l’année.

Ces journées fermées passent comme des bandes d’oiseaux migrateurs à une période régulière de l’année pour toi et pour elles. Fermées, leur matière néante vide. « Déviation travaux », tu regardes le miroir de la salle de bain devant un tunnel en construction. De là un souffle aspire tu gravites dans un énorme tuyau – tu dois sortir avant la boule de feu projetée derrière toi. Tu chutes dans un bac de poubelle à la sortie du tuyau, la boule de feu déviée. Ouf. La matière néante a échoué, sa boule d’angoisse a continué sa route ailleurs, dans une autre salle de bain sur un autre miroir.

On connaît mal les géolocalisations flottantes des journées fermées. Mais les journées fermées migrent. Elles passent en hiver, étalent leur constellation nocturne. Le 16, le 9, le X restés fermés. Des numéros de lotos dont une voix pourrait peut-être les tirer une fois en numéro gagnant. Le 16, le 9, le X, migrent, un peu différents chaque année. Le relief de fond de vallée glaciaire, le pierrier. Chacun sa carte sans longitude, ses no-zone et ses circulations minimes. Dans la constellation de chaque date, dans l’intimité de ceux qui la vivent pure, sans mois et sans années, une tache, presque une petite plaque qui insiste.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

2 commentaires à propos de “#été2023 #4bis | Tant pis”

  1. cette espèce parallèle ou paranormale de réseau ou constellation des jours (cette matérialisation) n’en finit pas de me séduire. Merci Nolwenn pour ce bout de visite

  2. Faisons fi des journées fermées, ne cherchons même pas à GPSer leurs migrations.