#été2023 #05 | le printemps des gardiens

 Il y a des instants où tout converge, où tout fait sens. Comme si tout était à ce moment-là concentré en un seul point au centre de l’univers. On ne reconnait pas cet instant vertigineux seul.
Les autres sont comme des porteurs de miroirs qu’ils vous tendent désespérément, comme s’ils vous criaient silencieusement : « vas-y ! A toi de jouer ! »
L’entité 467, l’un des gardiens du Labyrinthe, ne s’autorisait pas ce qui pourtant l’appelait depuis plusieurs années.
Changer de vie, changer de rôle, aller vers ce qui lui était destiné On ne cherche pas sa place, c’est votre place qui vous cherche. Ce jour-là, elle l’a trouvé.
Un premier appel éveilla sa conscience encore embrumée de doutes. Celui d’un simple agent, humble et discret, mais qui savait repérer mieux que n’importe qui les évidences. Et les dire. Il a fallu du temps pour que cela chemine dans son esprit. Mais la graine était plantée.
« Agent 467, Que faîtes vous là ? » lui lança-t-il un jour. « Vous n’êtes pas à votre place ici, vous méritez beaucoup mieux que cela »
Il le savait bien qu’il n’était pas à sa place, qu’il étouffait au milieu de gens qui ne lui ressemblaient pas, qui se satisfaisaient de leur petit pouvoir qu’ils voyaient grand.
Et puis un jour, un des premiers de l’été, une réunion de gardiens de trop, où il peinait à contenir sa colère tellement les injonctions qui s’ajoutaient les unes aux autres lui semblaient terrifiantes pour ceux qui en feraient les frais si elles étaient appliquées. On leur demandait de ne pas réfléchir et d’obéir.
Il retrouva après cette réunion deux ou trois autres gardiens avec qui il partageait sa vision de ce monde labyrinthique.
Il osa alors au milieu d’eux exprimer ce qu’il ne voulait plus, mais aussi ce qu’il voulait : une autre place, bien identifiée, à sa portée, faite pour lui. A cet instant-là, il osa, alors qu’il en avait été incapable devant son chef quelques jours auparavant. Les mots étaient restés bloqués au fond de sa gorge.
Il osa et cette simple libération de mots rencontra l’approbation de ses collègues. Pour eux c’était évident, il lui fallait avancer dans cette direction.
Quelques secondes seulement de reflexion avaient suffit à rallumer la flamme.
Il appela alors son N+1 qui pris en compte sa demande, étonné.
Un grand soulagement s’empara de lui.
Cette décision l’entraina alors dans une spirale qui le mena jusqu’à l’entretien où il fût étrangement si serein. Si cela se passait bien, il repartirait avec la clef qui lui permettrait d’ouvrir une nouvelle porte, la sienne. Comme beaucoup de gardiens, son chemin ne fut pas une simple ligne droite, mais il sentait que désormais il marchait dans la bonne direction.
Et ce moment eut aussi des conséquences favorables sur les autres gardiens. L’entité 468, à son tour, demanda à changer d’horizon. Une petite révolution. Le début du printemps des gardiens.

à développer : le regard du N+1 qui ne voit pas du tout les choses de la même manière.


A propos de Sandrine Hertig

Coordonnatrice de deux réseaux d'éducation prioritaire (ça c'est mon métier), maire adjointe à la culture (ça c'est mon engagement citoyen) et surtout musicienne (ça c'est ma passion). Batteuse ascendant bassiste. Amoureuse des mots, du rythme, des livres, du papier et des plumes. Mes mots préférés : curiosité , émerveillement, magie.

2 commentaires à propos de “#été2023 #05 | le printemps des gardiens”

  1. De la pression de conformité dans le labyrinthe à la trajectoire échappatoire dans l’horizon rouvert, l’entité 467 a bien saisi la vague. Au printemps , pour qui aurait l’audace…