#gestes&usages #05 | mains à l’écoute

Semaine dernière. Dans le foyer, comme ils appellent l’endroit. Espaces étagés : maison-mère et annexe. Les grands châtaigniers de la butte-témoin à l’arrière se penchent sur les unités de vie, l’une ayant comme nom Galaxie. Une pièce en longueur, c’est une salle à manger, la plupart du temps. Sur la table du mercredi, j’ai posé les trois objets apportés, avec les stylos plus quelques feuilles Et les voilà qui entrent, elles-trois. Je ne connais pas la troisième. Elle vient d’arriver. Treize ans. En quatrième. Silencieuse. Je lui dis pourquoi je suis là.

Un minuscule chat en plastique. Un appeau de céramique avec un trou dans lequel souffler pour faire sourdre un hululement — celui des oiseaux de nuit dans les châtaigniers. Et une porcelaine tigrée.

Tu vas choisir un objet. Celui qui te dit quelque chose. Et puis écrire ce qui te vient.

Elle est pensive. N’hésite pas longtemps. Elle prend le coquillage, le retourne, le regarde : manteau de taches saisies dans l’émaillage nature, côté bombé. De l’autre côté, plutôt plat, deux ourlets de céramique dentelée s’ouvrent sur l’intérieur. Elle me dit qu’on entend la mer en plaçant contre l’oreille ce gros grain de blé moucheté : c’est ce que lui a appris sa grand-mère avant, en Tunisie. De mon côté, je croyais que seuls les coquillages spiralés créaient cet écho. Alors, elle place la porcelaine tigrée dans sa paume et me tend la main sans un mot. J’ouvre la mienne, elle pose soigneusement le coquillage dans ce creux et attend. Je sais quoi. J’applique le coquillage contre l’oreille et lui dis que c’est vrai : on entend bien les vagues. Je replace le coquillage dans le berceau de sa main et je regarde la mienne qui ressemble à une coquille vide. Elle rejoint mon oreille.

Deux mains, deux rives, deux pages et jamais deux sans trois

 La nouvelle passagère vient de commencer à écrire ses souvenirs, quand elle était avec son frère, ses cousins, le ciel encore bleu et sa grand-mère qui posait dans sa main les trésors de l’écoute 

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

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