#voyages | Haltez-vous

1- LA HALTE

Après les chemins de crête, une halte s’impose, je me faufile à l’ombre et prends la direction de la flèche de bois à l’écriture devenue illisible, Les graviers du passage crissent quand je pousse la grille du « Jardin des souvenirs » de Montjustin, caché en contrebas du hameau provençal. Dès l’entrée une vue s’offre à nous sur les deux quartiers des tombes, l’ancien et le nouveau. Comme un pèlerinage je rends visite, à tous ces disparus étrangers qui me deviennent familiers au fil des années. Sur chaque rectangle aux frontières floues, les vivants ont raconté un bout de leur histoire… ici un olivier planté pour Henri Cartier Bresson, là une lavande pour Martine Franck son épouse, tous deux photographes, ces plants résistant aux vents et à la sécheresse leur survivront longtemps encore. Quelques arrosoirs vides, rouillés, assoiffés d’eau attendent celui ou celle qui les mènera à la fontaine étancher leur soif. 

Le silence apaise mes angoisses et aiguise mon appétit, deux petits sandwiches, et du chocolat noir attendent religieusement dans mon vieil Eastpak, lui aussi rassasié par des années de vagabondage. Encore un petit tour et tranquillement je parcours les quelques mètres qui me sépareront des stèles. Un muret sous les cyprès m’invite au repos du repas. Je déplie avec soin l’emballage de mon pain-fromage, de suite une guêpe me surprend et convoite sans vergogne ce picnic d’une saveur pour moi particulière après ces kilomètres de marche. Elle me guette à distance et ne perd pas des yeux la gourmandise que je m’apprête à déguster avec délectation. Abritée du vent et protégée du soleil je me joue du temps qui passe jusqu’à lisser la mesure de l’éternel recommencement. Une pive tombe sur ma tête…et me rappelle la réalité de la loi de la pesanteur et de l’heure du retour.

2- HALTE LÀ…

Ces dunes à perte de vue sous un soleil torride nous épuisent, à quand la halte et le thé à la menthe, je tente de m’approcher de notre guide mais son regard perdu dans le lointain laisse présager un flottement, ici dans le désert aucune indication, juste la sensation que ses pas se glissent dans les traces précédentes. Les cailloux noirs roulent sous nos semelles profilées, sans complaisance le pierrier surchauffe leur caoutchouc à cause de nos nombreux dérapages. Pas de surprise, rien à l’horizon.  Pourtant là-bas, mirage peut-être, mais il y en contrebas du vert émergeant du sable doré. Notre décision se précise sans l’assurance d’atteindre un objectif connu, nous nous arrêterons là. Séparés en deux groupes. Nous, les lèvres craquelées, haletants de chaleur, le chèche humide sur la tête, notre dernière réserve d’eau sur le dos dans nos « gourdasses »  nous nous posons enfin à l’ombre d’un arbre sans savoir ce qu’il adviendra de nous tous.  Eux, arriveront-ils, viendront-il nous rechercher ? Les regardant s’éloigner déformés par l’effet de la chaleur, nous buvons et grignotons quelques fruits secs. Pas de téléphone portable, pas d’heure, d’ailleurs avoir l’heure quand on risque la déshydratation semble inutile. Nous restons assis hébétés sans présumer du futur. Apparitions, mirages ? hommes femmes enfants arrivent de nulle part et disparaissent comme une illusion. Par quel cavalier à dromadaire nous arrivera l’eau qui bientôt manquera ? Inutile de pleurer nous sommes à sec.

Ce soleil réveille mes angoisses et aiguise mon imagination… Le temps s’est densifié pour ne devenir qu’un trou noir. Pourquoi ne pas mourir de chaud ? Le froid me vide de mon sang… Assommés nous scrutons sans passion l’horizon, un point au loin semble se rapprocher. Notre regard perdu reprend sens. Notre guide et le chamelier, sont là devant nous, avec de l’eau et des vivres. Le soulagement est réel, une fois restaurés nous marchons sous un soleil déclinant jusque la prochaine étape. Heureux de tous nous retrouver, pour mieux recommencer.

4 commentaires à propos de “#voyages | Haltez-vous”

    • Merci… Je suis un peu perdue en ce qui concerne la semaine 6.
      Serait-ce une dialogue imaginé avec des questions et des réponse qui parleraient de ce que j’ai déjà écrit sans bien sûr reprendre les mêmes mots ?