Impasse ou rentrée / Eté 2023, le roman #9bis

Pourtant c’est la saison où les arbres sont les plus odorants, la saison plus de fruits que de fleurs. Bien sûr, on peut préférer les baies de cœur d’été, les discrètes, celles auxquelles convient mieux la pénombre des bois que la lumière des jardins. Pelle en ferme les yeux. La piste de Carl Larsson ne serait-elle pas là ? Si l’on n’était pas si avide de profiter de ces moments en se disant que ce sont les derniers moments, il serait possible de savourer les reflets et les parfums flottant dans l’air, ténus comme des petits papiers griffonnés… Les jardiniers qui passent trouvent le sourire, eux. Ils ont bien du travail mais c’est celui de la récolte, celui qui montre tout de suite à quoi il sert. Comme un livre exposé dans la vitrine de la librairie du centre, seul lieu pour se procurer un livre à découvrir. Jusqu’à la saison des feuilles mortes que les jardiniers devront ramasser sans savoir trop qu’en faire tandis que les auteurs éconduits les conserveront dans leurs tiroirs avec mélancolie… Pourtant il y a des démarrages nerveux de voitures et des arrivées aussi. On décharge des malles les livres qui ont servi ou qui vont resservir et le visage de Pelle se tend car quelque chose a déjà commencé. Il n’est plus possible de se perdre dans les senteurs de baies quand bien même un arrière-été exceptionnel leur permettrait de flotter encore dans l’air. Le dos s’est redressé à s’en faire mal, pour se montrer ferme et peut-être même dur, pour défendre ce qui compte. L’écriture cachée porte déjà un nom, qui a fait gronder l’académie. Certes, la perspective est encore confuse, telle celle d’une rentrée scolaire, il sait qu’il faudra se défendre mais ne sait guère encore ce qu’il faudra défendre. Les livres dans la malle de la Cortina ont une couverture rouge et dorée et la taille de grands cahiers. De quoi donner le vertige, tantôt mal au ventre, tantôt vibration excitante dans la tête, dès lors que Pelle se laisse gagner par l’idée que d’autres écritures pourraient se voir décerner l’habillage de pourpre et d’or, comme les tentures de la Piste aux étoiles ! Les fournitures de rentrée sont à manipuler avant… Elles contiennent peut-être encore une promesse.

Un commentaire à propos de “Impasse ou rentrée / Eté 2023, le roman #9bis”

  1. « Le dos s’est redressé à s’en faire mal, pour se montrer ferme et peut-être même dur, pour défendre ce qui compte.  »
    ce lien entre le corps et l’écriture
    et puis cette si belle phrase d’introduction « la saison où les arbres sont le plus odorants »… j’aime tant…