#photofictions #06 | Moriyama | flashs

bordure lisière indécise béton gris humide et taché dessinant une sorte de caniveau avec poussière accumulée papiers chiffonnés dégradés par la pluie récente et mégots à peine définissable et brindilles aussi pareilles à des aiguilles de pin — arbres dans les parages sans doute — brindilles venues avec le flux de l’eau auquel se mêlent des effluves mauves provenant d’une flaque d’huile répandue par un véhicule en rade eau et irisations composant un tableau chaussée-tableau saisie au vol donc volée comme par flash venu du haut par-dessus pleine lumière limite surexposée

flou le bras qui s’avance vêtement couvrant la peau on ne voit pas bien la couleur forme presque rampante par le milieu de l’image d’un genre indéfinie mais bras tout de même faisant partie d’un corps d’une silhouette debout au milieu du wagon tentant de s’accrocher la rampe dans la précipitation d’un virage plus sévère bras au milieu de la multitude des bras en enfilade tendus vers le haut comme accrochés aux branches tissu du vêtement en gros plan fibres imperfections matière tissée troublée

marchandises exposées derrière vitre gluante affiche en travers liquidation ou soldes en lettres rouges grossières bavant dans le papier surface tramée couvrant le verre en partie avec un effet gondolé gaufré lié au mouvement rapide de l’appareil porté par le corps qui marche

matière métallique brillante striée impressionnée d’impacts taches insectes écrasés en relief le brillant dominant les autres impressions brillant carrosserie où se reflète un soleil oblique révélant comme une peau la matière granuleuse déposée à vivre dehors en grossissement maximum duvets matières poussières

cœur de foule jambes agissantes dans le même rythme sur plancher glissant à se casser la figure tant la cadence accélère pieds décollés du sol dans ce bref éclair du déclic et le scintillement des lumières de fête accentuant l’oblique de l’image et les courbures de l’air sous plafond imperceptible — est-ce dehors ? plancher installé la veille pour la danse ? —  pieds avec ou sans chaussures d’un monde engagé dans la reptation de la transe dont on imagine les visages aux yeux clos

proposition écoutée, écriture sans attendre dans la foulée comme prise de transe... 
étonnante expérience...

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

14 commentaires à propos de “#photofictions #06 | Moriyama | flashs”

  1. Bonsoir Françoise
    On sent bien comment ton écriture te transporte. C’est beau et fort ! Merci pour ces puissants textes-images.

    • oh tes mots-soutiens… car toujours le doute qui taraude, on n’est sûr de rien jamais…
      j’ai tenté la vitesse d’exécution comme en parallèle avec le mouvement du bras qui tient l’appareil photo, au risque de laisser pas mal de scories…
      (merci pour la fidélité)

  2. On sent bien que l’écriture, les images, sont venues dans un flux, un tremblement, une transe et c’est très bien ainsi !

  3. Intéressant, je me demandais vraiment comment chacun chacune allait donner corps à la consigne, en effet c’est une écriture tremblée, on voit bien le mouvement, le flou.

    • Pour cette fois, la contrainte m’a paru infiniment plus simple que la précédente, se résumant peut-être dans l’expression utilisée par Fil : « texte-image »
      Deuxième étape : passer du texte à la réalisation de l’image ? pourquoi pas ?…

  4. J’aime l’apparition de l’image par fragments incertains au rythme de la lecture saccadée de tes mots mis bouts à bouts. Curieuse expérience de lecture. Quand j’ai fini de te lire, je lève les yeux pour voir si rien ne manque autour de moi. Très curieuse expérience de lecture. Merci Françoise.

    • un petit salut du matin vers toi JLuc et tes cinq images… et découverte de ton écho sur les miennes…
      Oui, j’ai essayé de rentrer dans les rectangle de papier noir et blanc qui se sont inventés après m’être imprégnée des images fortes de Moriyama, ce grain inimitable, ces matières-tableaux assez envoûtantes… d’où ce côté matière brute de mots accumulés
      merci d’être passé…

  5. c’est bien cela, les textes captent les matières, les images, les rythmes, de façon non linéaire et plongeon dans une danse endiablée

  6. « Etonnante expérience » et étonnant résultat ! Pleine place pour la vitalité des mouvements et matières. Des mots qui se croisent dans le flux font nouvelle image sans la ponctuation : ça vibre ! Merci, quelle belle surprise.

    • j’ai trouvé magnifique le travail photo de Noriyama, ce grain, cette matière noir et blanc… j’ai essayé de demeurer dans cette sensation de reptation entre les formes et la matière brut…
      merci Nolwenn d’avoir partagé ta sensation