RECTO.
Dédé, mais tout le monde le connaissait il habitait au numéro 2Bis premier étage, la quarantaine et quatre enfants il était grand dégingandé ses bras s’agitaient en parlant en allumant sa cigarette on ne le voyait jamais assis, il faut dire qu’il ne s’était jamais économisé et à l’instant il était à l’arrière du camion se tenant aux attaches, il sautait rapidement attrapait la poubelle et la renversait vite fait dans la benne, toujours de bonne humeur, il chantonnait, pourtant la rue était grise, les murs abimés, même les pigeons étaient plus gris qu’ailleurs, c’était une ville de mineurs et les poubelles débordaient sauf celle du 2bis impeccable lavée et couvercle bien accroché, à côté d’un bidon en tôle cabossé qui avait versé, tous les détritus tombés par terre, et Dédé chantait, parlait aux passants, à son voisin à ses copains, tous l’avaient vu, une machine à laver ou une cuisinière sur le dos appeler pour un coup de main dépanner une famille ou l’autre, jamais seul — hé viens m’aider, doucement, là tu pivotes attends j’arrive — Dédé sifflotait, et quand c’était les pommes de terre, achetées en gros et partagées avec ceux de la rue, Dédé chantait toujours.
VERSO.
Lucien avait dix ans à ce moment là, et habitait sur le même pallier que Dédé, il en a quarante maintenant et vient de garer sa C3 sur le parking en épi, là où était avant l’épicerie de Claude Jarrige, la rue est propre, les murs blancs et gris, les tuiles toutes roses, tout est rénové retapé, isolé panneausolarisé, les poubelles sont vertes et jaunes alignées le long des maisons, le camion-benne tout neuf vient de passer, mais pas de Dédé derrière, ce Dédé qui l’avait emmené avec ses enfants au bois du Fourré chercher les grandes branches pour le fuga, qui les avait emmenés plusieurs fois au Gerbier des Joncs, qui leur avait appris les chemins pour de grandes ballades jusqu’au Guizai et même jusqu’aux deux barrages, qui nous avait passé un savon monumental quand on avait cru malin de faire du feu si près de la maison là-haut vers chez Philippe Pralong celui qui venait avec sa charrette à cheval nous livrer le lait tous les matins. Lucien est rêveur, il lui faudra une heure pour réaliser que oui tout est plus clair, oui les poubelles sont jaunes et vertes et grises et toutes alignées le long de la rue mais que là, au numéro 3 et au 7 même au 5, les poubelles si grises vertes et jaunes et toutes uniformes débordent de détritus, de saleté que beaucoup de couvercles restent ouvert parce que trop, que des encombrants très volumineux attendaient ,que les canettes étaient dans les caniveaux et les mégots abondants tout le long du trottoir et dans la rue, plus personne ne parlait à une autre personne, et il n’y avait aucune chanson ni aucun ouvrier ou passant pour siffloter.
(j’adore Dédé – mais non, en vrai et maintenant, non… ) faudrait se réveiller mais on a l’impression que ça n’arrête pas de pioncer comme si tout allait bien… non, maintenant, non…Merci à toi Simone
j’adore Piero…Tu as vu, 750000 signatures contre la loi Duplomb. Merci Piero pour tout.
Il est bien ce Dédé. c’est terrible de se retrouver sans lui, d’un coup.
Ah oui, c’est terrible. Ç
…Ça remonte à 60 ans, j’y pense souvent. Merci Emmanuelle.