#techniques #04 | portrait de ma vue obèse

Je pourrais vivre sans visage. Je n’aurai pas à voir en mille fréquences ni à être vue en mille erreurs. Je serai orpheline du ciel des arbres des plantes mais reposée de voir. Regarder par les yeux fatigue, Un autre organe ne viendrait pas sonder aussi loin et comme une piqûre un peu profonde me gêner je vois trop de choses qui passent en même temps trop de choses qui me demandent de les comprendre de leur prêter de l’attention de les interpréter. Ca déboule cette ouverture d’objectifs trop rapide. Cette attirance tamponneuse vers ce que je dois voir et déjà je renonce, je me rétracte comme une pupille je n’ai pas envie de comprendre cet étalage devant moi. Il m’appelle sans me demander mon autorisation il crie un peu fort – éclats – je dois faire de l’ombre diminuer les demandes les adresses à ma pupille débordée des que j’ouvre les yeux la réalité scintille. Elle se couvre de paillettes, tourne en boule à facettes, la réverbération gêne.

Si je parlais de tout ce que je vois je n’aurais pas assez de stock. Je regarde beaucoup trop vite et je parle peut être trop lentement. Le stock vu circule à grande vitesses dans les stocks entendus je ne peux pas les suivre. Dire à la bonne fréquence cela serait un bon réglage pour la réalité qui n’eblouirait plus. Elle crame. Je ne veux pas passer  mais je suis obligée j’en sais plus que les plantes avec mon stock de.parole qui a besoin du jour de mes.yeux pour se vider-dire dehors.

C’est le portrait de ma vue obèse et de visibilité qui n’arrive plus à voir.
Mais parfois elle chute. Elle tombe sans décider et vos yeux sont loin, tellement loin que les miens sortent faire signe un petit geste de la main de loin un signal à peine visible. Parfois on se retrouve. Parfois non. Vous êtes encore plus loin. Certains jours on ne vous voit plus par le regard. Vous n’avez plus de regard.


Et moi qui souffrais de leurs excès comme si chaque cellule était radiographiée qu’aucune partie ne pouvait plus se cacher, se faire de l’ombre, je manque de vos regards vos regards qui ne doutent plus qui ne posent plus de problèmes qui ne font plus attention qui n’écoutent pas je manque de vos regards morts vos regards plats car je vous regarde et je ne peux pas passer dedans sans un petit peu de vous à l’intérieur sans qu’une pousse ait laissé un petit bout de vous quelque part. Alors je vous cherche quelque part pas dedans mais aussi autour, autour de vous, dans vos gestes, vos choses. Et vous êtes vous. Je vous trouve. Tant pis pour le regard, il devra repousser lentement.

Post-ambule: j’aime écrire à la première personne-flottante. Ni tout à fait moi ni tout à fait une autre, ni tout à fait personne (ni tout à fait pure fiction narrative). Je flotte aussi avec la proposition des portraits : les portraits et le dispositif de Rémi Chechetto quelle joie de les découvrir. Mais pas si simple pour moi de tracer les contours. Alors je lache prise et de toute cette matière : la vidéo, les textes, partage ce qui vient où je dérive. Quel bien ça fait.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

4 commentaires à propos de “#techniques #04 | portrait de ma vue obèse”

  1. Étranges les flots où t’emmènent les portraits de Checchetto. Je me laisse emporter. À la fois étrange et agréable.

    • Merci de ta lecture Jean-Luc. Oui je suis assez loin des portraits de départ, mais parfois c’est juste quelque chose de la voix du texte qu’on emporte avec soi assez loin et qui ressort tout transformé. Et j’ai lu aussi les autres textes qui m’ont parlé aussi. À bientôt te lire à mon tour.