#enfances #03 | Le jour de mon enlèvement (ou les suivants)

J’avance et le jour vient avec. Je vois le jour pour la première fois se lever là. Je n’ai jamais été là. Qu’est-ce que c’est ? 

*

Je m’avance et le jour vient, le jour vient avec. 

Je vois le jour pour la première fois se lever là. Il se pose là. Sur tout. 

Je n’ai jamais été là. Qu’est-ce que c’est ? 

Le jour me dit quelque chose. 

*

Il lève là. Tout gonfle. Le jour me gonfle. Tout se gonfle de jour. Déjà, il lève en le parking qui est là. Il se lève en la clôture alentour. À se tenir au chaud contre moi il gonfle, et lève. 

— C’est déjà le jour. Encore.

J’enchaîne. J’entraîne le jour avec moi. Il ne ferait pas jour sans moi. 

— C’est encore lui.

Je n’ai pu m’endormir que contre lui. 

*

Sans me parler plus que ça. Le jour. Me dit quelque chose.

— Je ne crois pas qu’on ait fait connaissance…

Il me dit : bonjour. C’est le jour de mon enlèvement.

… On a dû se croiser. Je ne crois pas qu’on s’est rencontré.

*

Je m’avance. Je me risque dans le jour.

C’est au jour le jour.

C’est le jour de mon enlèvement. Il me suit comme un perdu. — C’est une histoire à s’endormir debout — en marchant.

Il était un enfant…

Il me suit partout. Ou il m’attend partout. Partout tendus, je lui tombe dans les bras, il me cueille. Il me cueille là. — Qu’est-ce que c’est ?

… Ce qui est faux. Le jour profite de moi : pour avancer. Il avance sur moi. Il ne me fait aucune ombre. Le jour avance et je suis sans plus une ombre. Le jour enlève. 

*

Ce n’est pas mon jour.

Le jour me plante. Il me plante là.

Le jour me regarde de haut. Le jour est un grand.

Le jour me prend de haut.

Ce jour est un grand jour. Ce jour-là enlève. — Là… qu’est-ce que c’est ?

*

C’est un enlèvement, il me tombe dessus. Il me colle. Il ne me lâche plus… 

Parking. Une clôture. Le jour me fait une scène. Le jour se lève — il m’en fait toute une histoire — sans trop que ça me parle. Le jour me dit : 

… Le jour partout vient avec moi. Partout comme un rayon ou c’est comme un nuage au-dessus de moi.

Il enchaîne, ça vient en paquets, en boule — sans trop qu’à moi cela s’adresse. Juste cela me frappe. Il y a tout qui vient. En pluie.  

Ça descend d’auto. Ça sort, ça atterrit là. Sans trop comprendre — sans que ça me chante — ça dit :

*

Tu connais l’histoire de l’enlèvement ? 

— C’était un enlèvement qui s’était perdu. Il allait dans l’air… Il n’avait personne à enlever. Il avait perdu qui il avait enlevé. Il se perdit en l’air. Il y allait. Il lui avait échappé, l’enlèvement, lui avait complètement échappé, lui était devenu trop grand. C’était un enlèvement enfui… Il était un jour un enlèvement enfui. Il était en fuite — il avait pris de ces proportions… Il avait échappé à ses ravisseurs. Il n’était plus ravi… Tout ce qui lui restait, c’étaient des cacahuètes. Des cacahuètes c’était tout, tout ce qui restait là de ses ravisseurs. Cela lui revenait… Ils avaient emporté avec eux, lui, un paquet de cacahuètes — c’était le soir. C’était la nuit d’avant — ça tirait sur — la fin du jour d’avant. Ils l’avaient embarqué avec… Il y avait un paquet de cacahuètes au fond — c’était le fond du véhicule — ouvert. Il était avec le paquet au fond, qu’il avait rejoint… 

— Il avait rejoint le paquet au fond. Il touchait le fond du véhicule. De tout son corps il touchait le fond. De tout son long. Puis s’était fait paquet. De la taille réduite de son corps. C’est avec lui qu’il tenait en travers du véhicule. De toute sa vie il tenait, dans le travers. Il se tenait en vie. Un véhicule non identifié. Un véhicule sans signalement. — C’était un enlèvement sans un seul signalement. C’était un enlèvement tout seul. Enlèvement perdu. Il était perdu pour tout le monde, comme enlèvement. Ou il ne l’était pour personne. Personne ne le savait enlevé. Il était seul à se savoir. Aucune alerte enlèvement nulle part à retentir. Rien à transmettre, ni à redire… 

Pas une affichette — Perdu enlèvement —

… C’était peut-être un lot de trois. De cette un peu courte guirlande, ne lui revint que ce paquet-là, 200g. Individuel en quelque sorte… C’était sa part de l’enlèvement, avec lequel l’enlèvement s’était échappé. Il s’était éclipsé. Il avait profité d’un moment d’absence, c’était un moment d’inattention. Ça a été la dispute. Le déclencheur. Cela peut-être le surprit : il posait question, l’enlèvement ne se souvenait pas avoir jamais auparavant posé, ouvertement, question… Question qu’il fallait, sur le champ — là, dans le fond du véhicule — trancher, il devenait urgent…

— Les ravisseurs n’étaient pas d’accord. Ils n’avaient pas l’air d’accord. L’enlèvement en a profité. Il s’est servi du désaccord dans l’air. Il l’a respiré un bon coup… puis s’est laisser fuir. Il s’est laissé descendre. Il s’est laissé couler…

… Comme le paquet était ouvert — peut-être c’était un paquet de chips — en tous les cas c’était réfléchissant dedans, c’était à l’intérieur, tout traces et miroir déformant…

… Il avait profité d’un stationnement… ou bien n’était-ce qu’un arrêt… d’un quiproquo…de la confusion… On était repartis sans l’enlèvement. Sans le paquet…

… Il a empoché le paquet — car dans son enlèvement il avait une poche… Un autre jour dit que du paquet il s’est fait une poche. Il s’est fourré dans le paquet, et puis il s’est laissé tomber — qu’il a roulé… Vu sous ce jour, combien y en a-t-il comme ça sur les bords des routes ? aux fonds des aires ?

*

Qu’est-ce que le jour me chante là ?

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