transversales #02 | trames & chantiers

ça raconte un amour entre deux artistes | ce qu’il aime chez elle : la liberté et la jeunesse, elle l’aime tout court | ils peignent ensemble, leurs tableaux se répondent en couleurs et en force | lui a déjà une femme dans une autre ville, elle pense pourtant qu’il finira par l’épouser parce que leur amour est fort et inconditionnel |elle se trompe | il retourne dans son pays, probable qu’il ne reviendra jamais | par vengeance elle refuse de rendre les cent tableaux qu’elle a gardés de leurs années ensemble

ça parle d’une contrée sauvage entre Larzac et vallée du Salagou | ça parle des paysages, pour commencer celui d’il y a 270 millions d’années avec de drôles d’animaux qui laissent trace dans les ruffes rouges | sédiments de grès très fin et oxyde de fer | ça parle de l’importance de l’eau et du rôle des hommes d’une même lignée au fil des siècles

ça s’intéresse à une femme seule en chemise légère, vulnérable, on le comprend tout de suite | des hommes tournent autour d’elle telle nuée de guêpes, insistent, se rapprochent | elle veut leur échapper, ils la rattrapent | ils la harcèlent | ils la touchent, tapotent sa joue son bras, la griffent, lui tirent les cheveux | ça continue ainsi jusqu’à tirer sur sa chemise et dévoiler son cou, le blanc de la peau, il y a de la peur dans ses yeux ­­| c’est assez difficile à supporter

ça dit qu’il pleuvra demain, peut-être intensément | tout appelle la pluie | l’histoire c’est que personne ne sait vraiment ce qui se passera

ça cause d’un homme chargé d’une importante mission, comme la défense d’un village, d’un fort, d’un lieu stratégique (usine, port, bâtiment présidentiel, silo à grain) | il recrute des hommes, chacun avec des qualités différentes, chacun indispensable au groupe | il met en eux toute sa confiance mais il se trompe sur l’un d’eux

ça tourne autour d’un frère et d’une sœur | le frère recherche sa sœur disparue, persuadé qu’elle est toujours vivante, et met tout en œuvre pour cela : change de nom, devient quelqu’un d’autre, pénètre l’entreprise où elle travaillait | il prend tous les risques

ça explique pourquoi les oiseaux chantent rossignolent zinzinulent | plusieurs motifs à cela : définir un territoire et séduire une femelle | ils crient aussi et pas seulement les mâles, ils alertent les autres ou recherchent de l’aide | il y a des chants plein les forêts | petits motifs métalliques, suite de trois quatre notes précipitées, syllabes frappées, rivières dans l’aigu | le monde pourrait bien s’apprendre à travers la vie de minuscules créatures

ça s’organise autour de lui qui souffre d’un mal qui va bientôt l’emporter | il décide de voyager jusqu’à Nantes pour rencontrer sa première amoureuse, une fille qu’il avait rencontrée au bal dont il vient d’avoir par hasard des nouvelles par quelqu’un de la famille | ils avaient autour de vingt ans et ils n’avaient aucune conscience de la douleur | il est tellement surpris de la revoir | il la trouve très belle en dépit de l’âge quand elle lui avoue qu’elle l’a longtemps attendu, qu’elle ne l’a jamais oublié, qu’elle n’a jamais “fait sa vie” à cause de lui | il lui prend la main | tour à tour ils pleurent et sourient

ça raconte comment cet homme du Nord a conduit une expédition pour sauver son clan et comment il y a perdu ses hommes | tous pris dans une avalanche de pierres et de glace | une montagne si haute jamais vue | membres brisés, il rentre en rampant à travers les forêts et révèle l’existence de cette falaise sans fin | ils vont l’appeler le survivant

ça constitue un carnet, une succession d’histoires imprécises et vibrantes | épinglées sédimentées écrasées | chaque histoire pareille à un horizon, une mini strate, une linéation plus claire ou plus foncée, de grain plus fin ou plus grossier

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

4 commentaires à propos de “transversales #02 | trames & chantiers”

  1. J’aime bien cette émergence d’images et d’histoires à partir du « ça ». Comme une boite magique d’où sortiraient des flots de couleurs. C’est ça…