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2021.11.08 | il y a 10 ans, Louvain-la-Neuve

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Choses qu’on a faites, qu’on est fier d’avoir faites, et dix ans après savoir ce qui en reste, et surtout s’approprier l’idée qu’elles ne se referont plus (encore que, j’aimerais tant). Je fais souvent (enfin, pas très, mais plutôt les jours un peu vague, un peu trou) un tour dans mes archives photo — rien avant 2002, rien de 2016 à 2019, mais quand même l’archive du reste. C’était il y a exactement 10 ans, à Louvain-la-Neuve, résidence à l’arrache (2 jours, voyage compris, 1 semaine sur 2 pendant 3 petits mois : est-ce que j’aurais dû mieux négocier, ou négocier autrement, mais l’idée même des temps de voyage, d’habiter le train, de revenir sans délai pour les autres tâches c’était différent alors), atelier d’écriture tout en haut de la BU Sciences (devenue musée maintenant), dans une petite lucarne avec vue sur Waterloo, les nuits au frigide Mercure (donc tu viens, tu repars — souvenir encore de ce disque, Territory de Tony Trischka que j’écoutais rituellement dans le chemin précis, au soir, de l’hôtel à la salle de conf), la chance et la confiance d’une suite de conférences qui étaient le thème, le chantier du puzzle qu’était mon essai Après le livre juste paru, et la chance pour cela d’avoir accès aux réserves et trésors de la bibliothèque de LLN, ainsi qu’à ce parking souterrain transformé en archives. Et puis, dans cette salle juste au-dessus du train reliant cette ville sans cimetière, poussée en plein champ autour d’une vieille ferme, pour se dissocier de l’ancienne Louvain, cet espace de transit, une expo en dix stations interrogeant l’écrit et le livre dans la transition numérique. On le fait, et c’est l’énergie de Frédéric Blondeau (il y oeuvre toujours) qui le portait, dans une énergie qui se ramasse comme pour un spectacle, et puis après on revient chez soi, c’est fini. Heureusement il y a les traces sur le site : le site qui devient la seule pérennité de mon travail, mais prévu pour s’effacer totalement quand je cesserai, donc par exemple ici : notre voeu d’un livre indestructible, ou ici couloir unique des livres, ou ici l’archive périra par son papier, ici le making of de l’expo, et le texte produit : dix questions au livre, 3000 lectures ici sur le site, ce à quoi jamais n’aurait pu prétendre un catalogue imprimé. Reste par exemple que j’aimerais tant reprendre les droits de ce livre désormais en jachère, éditeur deux fois revendu depuis lors, pas d’édition de poche, alors que les questions en restent si vives : probablement je vais le faire (voir annonce) — la vidéo alors impossible deuil ou artefact, là où juridiquement, n’ayant pu imposer de clause « dix ans » pour le livre, il ne m’appartient plus ? Ce sont des questions lourdes. Mais plutôt, à revoir ces images, s’interroger sur cette chance (merci à Erica Durante, Marc Crommelinck et donc Frédéric Blondeau, s’interroger, dans la grande durée de la vie en studio, sans plus train ni route, de ce qui fait trace, à l’intérieur de soi ou hors soi, ou ce permanent rôle de ludion du saltimbanque, saisi par la vague et renvoyé illico à ses pénates, quand dix ans après on en reprend le dossier. Ici une autre traversée de l’expo.

 

 


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 8 novembre 2021
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