#40jours #02 | Alka Seltzer

Personne dans ces rues vides au temps suspendu le soleil se couche mais dans le quartier il fait jour à l’entrée de l’immeuble après quelques marches un pallier en contrebas un plateau sur la dernière marche à côté assis un vieil homme pull veste bonnet deux tartines de pain beurré la main délicate en train de porter à ses lèvres un verre de café au lait il se lève doucement une petite porte se dérobe revient avec un pot étale une couche invisible de confiture boit lentement le café au lait brûlant des petites quantités jaloux de la délicatesse à apprécier dans une économie de gestes une bonté manifeste au fond de l’escalier la lumière de l’épicerie à côté rideau de fer baissé vitrine de cartons plaqués sur verre dépoli veilleuse dans la nuit minuscule espace remous de couvertures rose chaire pieds jambes se couchent se lèvent à peine l’espace de dormir à peine l’espace de rêver dans la réserve les bouteilles de gaz de lait produits d’entretien l’argent pour revenir au village mettre de côté les femmes la vallée la maison en pisé les enfants s’ébattent gardent les chèvres le grand-père malade les médicaments que prend Madeleine la mère divorcée du 4ème en face les yeux rougis en pleine nuit brushing parfait descente de lit ajustée tapis coussins sol lustré elle reprend un quart de somnifère ne se décide pas à éteindre la lumière ou reprendre le livre un chapitre celui de l’amour de sa vie son caractère effervescence de l’Alka Seltzer mi-temps de secrétaire deux filles rentrer pourquoi faire ici la vie n’est pas chère l’appartement double c’est chez elle son cher papa le temps des villas des pachas des caïds époque révolue une chirurgie pionnière destination transgenre à la clinique au bout de la rue bloc opératoire murs sols carrelage brillant tables hautes en fer blanc tous les instruments stérilisés une blouse blanche visage teint halé positionne la lampe les miroirs faisceau éblouissant sur la table d’opération à hauteurs variables en tournant des volants sur le côté les pieds d’un homme dans des étriers pour les organes génitaux d’une femme sang tissus anesthésie ectomie plasma chaires à remodeler deux infirmières posent des drains commencent à recoudre des piqûres d’hormones à vie pour métamorphose.

A propos de Michael Saludo

Vis, écris et travaille à Angoulême. J'anime des ateliers d'écriture en lien avec le cinéma.