#été2023 #06bis | Pentes

Le parcours de Chambéry à Grenoble par les trois cols fut un merveilleux terrain de 63 kilomètres 3. La première ascension de 15 km permettait de s’élever de 270 m à 1164 au col du Frêne. Les pourcentages maximaux étaient de 9%. D’abord la route montait à flanc de montagne avec une vue sur la cluze de Chambery jusqu’au lac du Bourget, puis à 865 mètres d’altitude le tunnel du pas de la Fosse creusé à la dynamite permettait de basculer dans un autre vallon du massif et d’avoir en vue le Mont Granier. Ses falaises de 700 mètre d’à-pic résultent d’un gigantesque glissement de terrain la nuit du 24 au 25 novembre 1248, causant plusieurs milliers de morts dans les villages ensevelis. Après une descente vers Entremont-le-vieux, puis Saint-Pierre d’Entremont, le col du Cucheron menait ensuite de 640 m à 1180 mètre sur 10 km, avec de longs passages à 10% sous le regard de quelques vaches spectatrices. La descente sur Saint-Pierre de Chartreuse offraient des passages à 11% permettant d’approcher les vitesses limites pouvant atteindre 50 km/h, voir pour un pilote de 80 kg jusqu’à 60 km/h. Entre le pont sur le Guiers à 780 m et le sommet du col de Porte à 1350 m, à nouveau des passages à 11% ou 10% au cours des 8km de montée, avec quelques rares repos à 4 ou 5 %. La descente de 17 km vers Grenoble, situé à 210 mètre d’altitude, avec une pente maximum de 12% était la juge finale quant à la résistance des matériaux et des assemblages.

Au premier concours de freins des 17,18 et 19 juillet 1901, on pouvait voir au matin d’un côté de la route les machines des trente-deux concurrents, et de l’autre côté les trente-deux machines des contrôleurs. Les spectateurs s’étaient également déplacés à bicyclette, on remarquait notamment les machines ornées de plusieurs pignons de l’école stéphanoise. Leur leader appuyait généralement avec 15 à 18 kilogrammètres sur la pédale et de 60 à 65 tours à la minute et pouvait approximativement, avec cela, marcher à 26-28 kilomètres à l’heure sur un terrain plat avec développement 7 m. 50, ou gravir du 8 % avec développement 2 m. 50, à 9-10 kilom. à l’heure. Cette fois ci, il avait pris une nouvelle bicyclette à huit développements  : 2m,40, 3, 4 et 5 mètres, à droite sur roue libre ; 4m,50, 5m,70, 7 et 8m,40 à gauche sur roue serve. Ces huit développements étaient interchangeables deux à deux en marche par le système des deux chaînes et il pouvait accoupler indifféremment tel ou tel développement de droite avec tel ou tel développement de gauche. Le Docteur Matthieu rappelait lui à tout à chacun que la roue libre, la freewheel, justification de ce concours par la nécessité qu’elle imposait de pouvoir s’arrêter dans les descentes, n’était pas une récente invention anglaise, qu’elle avait déjà été adaptée sur l’ancien bicycle par Barberon et Meunier et brevetée en 1868. Le système permettait même grâce à une roue à rochet d’un côté et un système d’engrenage et une courte chaîne de Vaucanson de l’autre deux vitesses selon le sens de pédalage, anticipant prématurément la toute récente rétrodirecte tant vantée par l’Homme de la montagne dans les forts pourcentages au delà de 10. À l’issue du concours, plusieurs systèmes de freins furent récompensés du brevet de montagne convoité.

Le 13 et 14 août 1905, ce sont cette fois vingt machines qui s’aventurèrent dans les deux sens sur le même parcours, toutes polymultipliées cette fois : 9 à 2 vitesses dont deux rétrodirectes, 6 à 3 vitesses dont une rétrodirecte, 4 à 4, dont trois rétrodirectes, une à 12 vitesses sous la forme d’une lévocyclette. Toutes ont bien supporté les épreuves, sauf trois qui n’ont pas réalisé le parcours intégralement à cause de la fatigue de leur pilote. Les bandages étaient de 45 mm au moins (57mm pour les 5 premières machines de ce concours de bicyclette de voyage), et les plus petits développements entre 2m04 et 2m80. Leur poids variait de 19kg à 23 kg 5. Trois machines n’avaient pas de transmission par chaîne (deux acatènes et une à leviers).

Le premier jour, les six côtes offrant 4005 m d’ascension ont été grimpées en un temps moyen de sept heures, soit 580 m d’ascension à l’heure. La machine la plus rapide, de 18 kg avec des bandages de 48mm, a mis 5h 13, soit 775 m d’ascension à l’heure.

Dans son rapport, Carlo Bourlet rappelle qu’un allègement de 1kg du poids sur la machine ne procure en côte dure qu’un gain de 40 secondes à l’heure, assez négligeable pour le touriste, ou autrement dit un excès de poids de un kg est équivalent à une augmentation de la pente de un mètre par kilomètre. L’ensemble homme machine de 86 kilogs utilise dans une pente de 9% le même travail qu’un ensemble de 90kg à 8,6%. En plaine, à travail égal la vitesse d’une machine de 20 kg est égale à 976/1000 d’une machine de 16 kg. À la vitesse de 18 à l’heure, un allègement de un kg procure un gain de 108 mètres à l’heure, ou 25s. À 25 à l’heure, le gain avec la résistance de l’air qui deviendrait le double de la résistance au mouvement serait de même de 100 mètres à l’heure, ou 15 secondes. Il attire également l’attention sur la réduction de la résistance de la chaîne qu’offrent des grands pignons, malgré le supplément de poids (dans son exemple le développement de 3m30 peut être acquis avec des pignons de 12 et 18 dents ou 24 et 36 dents avec 300 gr de supplément cette fois, mais avec une résistance qui passe de 4% à 2% du travail fourni). À vide, les pignons de renvoi des systèmes directs ne procurent pas de résistance significatives, ni la très légère torsion de la chaîne. Cependant, la tension doit être un peu plus lâche pour ne pas ajouter quelques points de résistance, ce qui est oublié parfois par les pilotes.

Voici enfin toutes les combinaisons de développements utilisées (en mètre pour un tour de pédalier) : 4,20 ; 3,20 ; 2,35 / 2,35 à 7,60 / 5,40 D ; 2,85 R ; 3,25 R ; 2,25 D / 5, 25 R 2,80 D / 5, 25 R 2,80 D / 5,70 G ; 3,40 D ; 4,70 G ; 2,50 D / 5,43 ; 3,14 ; 2,22 / 5,02 ; 3, 52 ; 2,19 / 5,02 R ; 3,06 D ; 3,52 R ; 2,04 D / 4,60 ; 2,40 / 4,60 ; 2,80 / 3,95 : 5,20 ; 6,70 / 3,95 : 5,20 ; 6,70 / 4,95 ; 2,50 / 4,95 ; 2,50 / 4,95 ; 2,50 / 6,20 : 4,80 ; 3,26 ; 2,26 / 4,95 ; 2,21 / 7 ; 5,33 ; 2,93 / 5,40 ; 4,12.

A propos de Laurent V.

J'avais participé avec plaisir et découvertes à des ateliers d'écriture "papier-table-stylo" au tout début des années 2000, j'en avais animé aussi alors étudiant shs, ensuite j'ai surtout fait du vélo dans la ville comme travail, et en dehors en vacances, tout en continuant un peu à lire, notamment grâce au numérique ! Présence web : un compte insta renvilo , et un site pour rendre disponibles des vieux textes des premiers cyclotouristes : velotextes .