#enfances #06 | Sa voix

La voix énervée de son père sur la boite vocale « Oui, c’est H. , Jean H. Laissez-moi un message »,

Une nuit, le téléphone a sonné, il a décroché. Une voix inconnue s’est excusée de le déranger si tard, lui a dit qu’il était le premier sur la liste des personnes à contacter. Elle lui a appris le décès de son père. 

Petit, la voix de son père l’effrayait, indistinctement liée au rôle que jouait l’homme dans la famille, c’est lui qui grondait. Son père embauchait tôt le matin et ne rentrait souvent qu’après les réunions du club de plongée. Le croiser en dehors du samedi et dimanche signifiait presque toujours punition. Les samedis et dimanches, lorsque qu’ils étaient parmi les amis, les collègues, la voix de son père était enjouée, son timbre ensoleillé était souvent confondu avec de la jovialité. Mais en famille, l’accent méridional savait être autoritaire et sec. 

Il y a eu des films familiaux, les super8 muets pris lors des vacances d’été lorsque son père se détendait et que sa voix parfois riait. Il y eu les cassettes VHS rongées par le temps illisibles dans lesquels se sont effacés les souvenirs de la voix qui transmettait son savoir et les consignes de plongée. Il y eu les vidéos stockées sur des disques durs lorsque enfin la voix du père lui parlait à lui nouveau père. Perdues. Il y eu les dernières images prises avec le smartphone lorsqu’il était à l’hôpital, cette voix affaiblie qui demandait où il était, il voulait rentrer chez lui. Sa voix qui s’est tu.  

Il restera de ce qu’il était, de sa présence sonore ce seul message enregistré. Ce message mal préparé, mal formulé, il devait le refaire en mieux et n’en avait pas eu le temps.

4 commentaires à propos de “#enfances #06 | Sa voix”

  1. un message égaré sur un répondeur, un numéro de téléphone dans un agenda devenu obsolète, et des pages de vie secrète se ré-ouvrent pour un instant d’écriture…
    merci pour cette histoire bien dite en quelques phrases