#40 jours # 07 | Quitte à descendre…

Marche qui parle

Quitte à descendre quelque part, il faudrait que ça soit un peu beau, pas trop raté pour les spectateurs. Comme pour les marches du Festival à Cannes où on ne montre que l’aller et jamais le retour.

Collage d’Huguette LENDEL

Descendre dans la tombe c’est autre chose , mais heureusement on n’y est pas vraiment quand ça se passe, à moins que… ce serait fantastique… qu’on pourrait survoler l’affaire et donner des conseils pour que ce soit un peu plus beau : les larmes, les fleurs, les discours, les empoignades émotionnelles, les coups de pelle ou de truelle, arranger tout çà de façon à ne voir que le symbole sacralisé et immémorial de la séparation. Provisoire ou non selon les convictions.

Pas envie de pondre des alexandrins ou des haîkus avec de tels rituels macabres. Garder le beau vivant d’avant. Ensuite, ce n’est qu’une histoire d’agronomie et de cendres dans l’air jusqu’au pied d’un arbre, sur des gros galets blancs ou dans l’eau dans une urne biodégradable. Pour la crémation plusieurs méthodes existent , on se fait hisser sur un bûcher comme en Inde ou glisser à l’horizontale après un court trajet en tapis roulant, dans un four presque traditionnel et ultra-brûlant. Y penser en évoquant les tableaux de Frida KHALO. C’est flippant mais c’est plus beau.

Le rêve de Frida KHALO

Elle m’a raconté çà un jour, et je pense qu’elle fabulait ou déformait (en la grossissant)la réalité. Elle tenait le récit de quelqu’un d’autre, qui avait assisté à l’une des premières expérimentations de crémation en ville. Elle parlait de lucarnes à travers lesquelles on pouvait voir se dissoudre le corps dans tous ses états de combustion jusqu’au tas de cendres grises.

Mais en réalité la pulsion scopique ne va pas jusque là. J’ai imaginé les cauchemars après. Comme elle avait de l’humour, elle a imaginé une autre solution pour elle et son époux : Etre enfermés tout les deux dans deux amphores romaines bouchées et placées harmonieusement au fond d’un aquarium encastré dans le mur d’entrée de la maison, à la vue des voisins et des proches. Elle n’en était pas à une idée saugrenue près. On se demande où les mères vont chercher les histoires, et des histoires avec les voisins.

Quitte à descendre dans le glauque, il vaut mieux prévoir une panoplie de scaphandrier à la Jules VERNE..

Même si ça glougloute un peu trop, le costume de descente est nettement plus beau

Collage de Huguette LENDEL

A propos de Marie-Thérèse Peyrin

L'entame des jours, est un chantier d'écriture que je mène depuis de nombreuses années. Je n'avais au départ aucune idée préconçue de la forme littéraire que je souhaitais lui donner : poésie ou prose, journal, récit ou roman... Je me suis mise à écrire au fil des mois sur plusieurs supports numériques ou papier. J'ai inclus, dans mes travaux la mise en place du blog de La Cause des Causeuses dès 2007, mais j'ai fréquenté internet et ses premiers forums de discussion en ligne dès fin 2004. J'avais l'intuition que le numérique et l 'écriture sur clavier allaient m'encourager à perfectionner ma pratique et m'ouvrir à des rencontres décisives. Je n'ai pas été déçue, et si je suis plus sélective avec les années, je garde le goût des découvertes inattendues et des promesses qu'elles recèlent encore. J'ai commencé à écrire alors que j'exerçais encore mon activité professionnelle à l'hôpital psy. dans une fonction d'encadrement infirmier, qui me pesait mais me passionnait autant que la lecture et la fréquentation d'oeuvres dont celle de Charles JULIET qui a sans doute déterminé le déclic de ma persévérance. Persévérance sans ambition aucune, mon sentiment étant qu'il ne faut pas "vouloir", le "vouloir pour pouvoir"... Ecrire pour se faire une place au soleil ou sous les projecteurs n'est pas mon propos. J'ai l'humilité d'affirmer que ne pas consacrer tout son temps à l'écriture, et seulement au moment de la retraite, est la marque d'une trajectoire d'écrivain.e ou de poète(sse) passablement tronquée. Je ne regrette rien. Ecrire est un métier, un "artisanat" disent certains, et j'aime observer autour de moi ceux et celles qui s'y consacrent, même à retardement. Ecrire c'est libérer du sentiment et des pensées embusqués, c'est permettre au corps de trouver ses mots et sa voix singulière. On ne le fait pas uniquement pour soi, on laisse venir les autres pour donner la réplique, à la manière des tremblements de "taire"... Soulever l'écorce ne me fait pas peur dans ce contexte. Ecrire ,c'est chercher comment le faire encore mieux... L'entame des jours, c'est le sentiment profond que ce qui est entamé ne peut pas être recommencé, il faut aller au bout du festin avec gourmandise et modération. Savourer le jour présent est un vieil adage, et il n'est pas sans fondement.

8 commentaires à propos de “#40 jours # 07 | Quitte à descendre…”

  1. J’aime bien ces descentes qui n’en font qu’à leur tête, le soin apporté aux images et cette façon légère d’aborder les drames. Des lucarnes j’en ai vu mais il ya avait quand même une boite autour des morts.

  2. Des marches de Cannes à la tombe il n’y a parfois qu’un trépas. Alors oui, autant descendre vers l’abime avec un beau scaphandrier .

    • Et surtout beaucoup de maquillage et de lifting ! Je préfère me revêtir d’un costume de scaphandrier que de mercenaire. Il est plus difficile d’accrocher des médailles qui ne flottent pas , ni ne se délavent. Au fond des tombes parfois on retrouve des vestiges de métal dont on ne peut plus attribuer l’origine. On entre alors dans le mystère et l’intrigue chère aux lecteurs et lectrices de science fiction. Pour l’instant, j’écris plus facilement les orteils au soleil en connnaissant les latitudes et les longitudes de mon grimoire.J’ai trop cotoyé les délires pour m’en offrir de nouvelles palanquées. Merci pour le clin d’oeil ! Bonne descente !

  3. Les images s’intercalent en tentacules qui te prennent, hagarde, se nouent à ton cou, et te font étrangement respirer ! même si l’air se raréfie, c’est un tempo plus doux qui s’instaure, une joyeuse méditation

    • Une redistribution d’images plutôt qu’une méditation, mais le ton joyeux est volontaire … Tant qu’il y a de la vie, il y a de quoi jouer avec la mort (pour de faux encore)… La sienne et celles des gens qu’on a dans le coeur…