#40 jours # 29 | Laissez parler.. . Détournements catalogués

Kleenex.La boite avec sa fente au milieu par laquelle tirer les mouchoirs légers très utiles pour tout. Dans l’armoire de la salle de bains comme en pensant à l’armoire de la salle polyvalente :  là, pour la première fois les feuilles légères ont servi à autre chose qu’à se moucher ou à essuyer les larmes : dans le spectacle donné par les élèves sourds et malentendants, une mariée pensive enveloppée dans dix mètres de tulle et assise sur une malle tire d’une boite de kleenex les feuilles légères, comme si elle effeuillait une marguerite. Et recommence. Un ventilateur posé près d’elle envoie en l’air autour d’elle toutes les feuilles extraites de la boîte. A la fin, penchés sur le sol devenu champ de bataille recouvert de feuilles on ramasse tout et on emporte chez nous les boites en trop.

Ramette. Papier ultrablanc 500 feuilles A4. 80 ou 90 grammes ça dépend.  Bloc de feuilles bien serrées dans leur enveloppe de papier cristal bien serré avec comme un sceau en haut à gauche l’oiseau Auchan dans son cercle rouge. Une fois défait le papier transparent de l’entourage, les feuilles peuvent s’échapper.  Vivre leur vie. S’éparpiller. Tenter de les extraire avec parcimonie pour ne rien gaspiller. Photocopies, textes imprimés pour le rendu sur espace blanc palpable. En prendre pour les enfants de la maison perchée. Ils s’en donnent à cœur joie en faisant glisser dessus leurs feutres, en rayant, en dessinant les héros blessés des mangas, en découpant, en inventant des boules de neige froissée. En écrivant les mots exprès de travers et le mot papier en gros caractères. En liquidant le stock. Je fais comme eux finalement..

Papier kraft. En queue de gondole, le coin du papier cadeaux. De longs rouleaux bruns avec, en noir, des portées et des notes imprimées. Pas trop cher et du plus bel effet pour emballer, faire des paquets, des surprises improvisées ou soigneusement pensées. Quand tout est plié scotché caché prêt à être offert, avec le morceau restant je tente de voir si la partition qui sert de décoration est jouable.

Serviettes en papier. Assorties à l’idée de pique-nique, vie en rose née des congés payés et tu reprendras bien un dimanche au bord de l’eau. Mais l’eau a coulé sous les ponts. On ne peut plus s’asseoir comme avant sur la rive sans penser au Danube, au Boug, au Dniestr, au Dniepr, à la Donets. Serviettes noires. Les roses, une autre fois peut-être.

Film alimentaire. Film fraîcheur. Pour la conservation, l’hibernation, l’étouffante transparence, le côté pratique de la chose. Film étirable. Utile pour envelopper les corps. Même avec plusieurs épaisseurs ils restent reconnaissables et les odeurs ne peuvent pas s’échapper. Prévoir de remettre une couche de transparence étirable en attendant de savoir ce qu’on fait des corps.

Papier toilette doux et double. Lot de plusieurs rouleaux. Encore des rouleaux. Tout le monde sait à quoi ils servent. Pas besoin de faire un dessin. Si, peut-être. Pour ceux qui auraient oublié. Tu prends un rouleau. Tu le places en haut d’un escalier et tu le pousses. Il doit se dérouler régulièrement sur les marches, sans se déchirer. Tu photographies le résultat puis tu rembobines. Le papier toilette peut encore servir.

 Papier collant (du scotch au piège à mites alimentaires ou à mouches). Ne pas être comme eux. Surtout pas.

 Lot de chemises et sous-chemises. Quand j’aurai une minute je classerai dans les chemises et sous-chemises après inventaire colères désespoirs impatiences rages et je rangerai tout sur une étagère spéciale. Comme ces sages enveloppes sont multicolores, personne ne se doutera de ce qu’il y a à l’intérieur.

Sopalin.  Rouleaux épais. Papier essuie-tout. Moelleux. Avec ses petits pointillés prédécoupés pour séparer sans les déchirer des morceaux réguliers. Autres rouleaux, toujours utiles. Sur un coin de table, le peintre avec son stylo-pinceau souvent prenait des carrés de sopalin pour tester le geste souple et faire ses gammes à l’encre de Chine. A l’hôpital c’est sur du papier essuie-tout qu’il a fait les derniers croquis. Il n’en voulait pas d’autre. J’ai tout gardé.

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

2 commentaires à propos de “#40 jours # 29 | Laissez parler.. . Détournements catalogués”

  1. En te lisant, je chante intérieurement « Laissez parler les p’tits papiers, à l’occasion papier chiffon… » c’est super merci.