#40 jours #31 sous le choc

Ce qu’il y a derrière moi s’efface comme un chemin qui se referme, l’oubli fait disparaître les lauriers de la grille bleue, comme la pluie dilue les traces d’un crime, on marche avec la certitude de ce qui s’est passé ne troublera en rien l’équilibre du monde, on marche en accumulant les paysages, les villes, les enseignes colorées, les trottoirs où tous s’apprêtent à traverser la rue, on marche en ayant perdu le repère des étoiles, on parcourt le jardin nocturne comme après une secousse violente qui nous aurait désorientés. On marche l’esprit vide de regard. On a des mémoires floues faites des mémoires des autres. Ce souvenir ne m’appartient pas, jamais je ne pourrai me rappeler de ce vieux à sa fenêtre au ras du sol contemplant les pierres blanches de la chaussée. Si je voulais retrouver mon chemin dans les méandres des ruelles croisées, je ne pourrai plus, elles se ressemblent toutes. J’ai le corps traversé d’indifférence comme d’autres l’ont criblé de balles. Et je regarde sans un cri.  

La consigne m'a fait m'a fait découvrir beaucoup impasses, alors... 

A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

21 commentaires à propos de “#40 jours #31 sous le choc”

  1. Helena, ton texte est très émouvant.
    C’est une séquence du cinéma de l’oubli.
    Merci pour cette belle et grave lecture !

    • Merci, Fil ! Texte écrit en désespoir de cause mais qui m’a permis de m’approcher d’un sujet que je n’ai pas encore osé aborder. Merci encore pour ton soutien !

  2. « On marche l’esprit vide de regard. On a des mémoires floues faites des mémoires des autres.  »
    « Et je regarde sans un cri.  »
    La condensation du texte exprime l’inutilité de broder sur des drames transmis. Les héberger le temps d’une pensée de compassion suffit. Même si l’on sait qu’à chaque encoignure de la mémoire se tiennent des silhouettes indélébiles. Merci Héléna !

  3. « J’ai le corps traversé d’indifférence. On marche l’esprit vide de regard. On a des mémoires floues faites des mémoires des autres ». Sans un bruit le mystère de la mémoire absente en soi sans nous appartenir. C’est beau merci

  4. Ce souvenir ne m’appartient pas, jamais je ne pourrai me rappeler de ce vieux à sa fenêtre au ras du sol contemplant les pierres blanches de la chaussée. Si je voulais retrouver mon chemin dans les méandres des ruelles croisées, je ne pourrai plus, elles se ressemblent toutes.

    Merci, peu, parfois c’est beaucoup.

  5. « jamais je ne pourrai me rappeler de ce vieux à sa fenêtre au ras du sol contemplant les pierres blanches de la chaussée. » c’est beau merci Helena

  6. tout porte les stigmates du drame
    la lecture d’un livre qui a profondément marqué, comme
    Vie et Destin de Vassili Grossman, ai mis des mois à recouvrer la vue d’un réel brut sans mémoire
    Merci beaucoup pour ces corps traversés, c’est très puissant