#40jours #28 | les soldes d’été

« Ça se tire, ça presse. Faut que je me décide. Où ? À Gap, la capitale douce du département ? Avec cette chaleur, 60 kms de route, les embouteillages près du lac de Serre-Ponçon, la recherche d’un parking, les touristes, la covid à leurs basques ? Mais des boutiques nombreuses, certaines vraiment classe ! Ou alors Embrun, à 20 kms de chez moi, petite ville paisible et une boutique que j’aime tout particulièrement Rue Caffe.»

C’est là qu’elle ira. C’est sur, les prix des vêtements sont élevés. Mais ils le méritent. Et puis, hein, le panneau sur la porte : tout à 50 %. Y a pas photo. Elle entre, la gérante la salue, elle est cliente des soldes uniquement et toujours agréablement accueillie. La gérante, une femme charmante, aimable, qui laisse ses clientes fureter, essayer, hésiter, qui conseille sans jamais insister. Qui déconseille aussi et ça, ça lui plaît. Mais non, cette robe n’est pas pour vous, trop longue, trop ample, elle vous écrase. Mais non, cette couleur ne vous convient pas, elle vous attriste… Elle se souvient. Elle voulait offrir à sa petite-fille une robe, elle insistait pour celle-là, orangée à fleurs rouges et la gamine, du haut de ses cinq ans, avait lancé : enfin, mamie, cette couleur ne va pas avec la couleur de mes yeux… Alors, elle réfléchit : quelle couleur va avec la couleur de ses yeux, et au fait qu’elle est la couleur de ses yeux, maintenant un rien délavés par l’âge ? Elle met ses lunettes, vérifie le prix sur l’étiquette du chemisier qu’elle convoite. Ah oui, quand même, même avec les 50 %, est-ce raisonnable ? Non, c’est tendance, mais ce n’est pas raisonnable. Avec la vie qu’elle mène à Guillestre, lecture, écriture, rêverie, jardinage, arrosage, cueillette, marche le long des canaux, des torrents, baignade dans le lac d’Eygliers, ciné, rencontres associatives, amicales, mais en toute simplicité… ces dentelles, ces froufrous, ces boutons scintillants, bien trop minuscules pour ses doigts arthrosés, ça n’a pas de sens… Souvenir d’une vie professionnelle où s’habiller – comme on dit – s’imposait, une armure, chic, BC BG. Aujourd’hui, finie cette corvée. À la trappe, les escarpins à talons aiguille, les tailleurs raffinés, les sacs Longchamp. Elle s’en félicite… À la retraite, elle a quitté Marseille pour la montagne. Elle s’habillera donc en montagnarde. Ce pantalon blanc fera l’affaire. Elle vérifie. Oui, il a des poches pratiques pour glisser les clés de voiture, l’opinel. Oui, il ne la serre pas à la taille. Elle est à l’aise, Blaise. Et blanc, quand même ça fait chicos, ça la changera de son jean qui fatigue. Mieux encore, inutile de le repasser, simplement l’étendre soigneusement, dit la patronne. C’est décidé, c’est emballé. Soldes d’été, c’est joué. Faut en passer par là, deux fois dans l’année. Oyé !