#40jours #06 | carton plein

Délicatement dépliée celle du dessus. Plus de couverture, les plis déchirés par le temps ou les manipulations. Il a envie d’en savoir plus, mais craint les souvenirs qui vont remonter.

Col de Tende… virée à moto… Il reconnait sa propre écriture. Il y a combien ? Non. Il referme la carte. C’était il y a trop longtemps.

Elles sont sorties seules du carton, s’échappant, voulant lui rappeler des moments qui lui avaient été précieux. Non. Il refusait de se souvenir.

Il les poussa à côté de son clavier, se pencha vers le carton qu’il avait déposé à ses pieds.

Aurait-il la force de regarder plus avant, de les prendre une par une ou un par un.

Basile hésita, se dit qu’il n’avait rien à perdre sauf de remuer ce qu’il avait enfoui au plus profond de lui-même.

Comme pour les maisons, dont il mélangeait ville, lieudit, intérieur et extérieur.

Il n’allait pas se mettre à se lamenter sur son sort.

Il y a pire.

«Je ne peux plus supporter l’absence de l’absente.» mot retrouvé après la disparition de Jacques-Maurice.

Pourquoi revient-il sans arrêt se rappeler à son bon souvenir ?

Prendra, ne prendra pas, Basile hésite toujours, se décide, se penche, prend les guides, tous verts. Ils sont poussiéreux, il éternue et note :

Cinq¸ une bonne partie de la France avec deux incursions à l’étranger. Mais là, pas besoin de passeport ni d’atteinte au bilan carbone.

Il regarde, il en reste dans le carton. Va-t-il regarder un peu plus loin ?

Basile est curieux de nature et ne veut pas s’en laisser compter.

Plus que deux qui ne sont pas des simples cartes :

Pas de souvenirs. Les aurait-il récupérés au gré du temps, de rencontres. Basile se sent de plus en plus étrange. Aurait-il oublié un pan de sa vie ?

Il y a encore des cartes dans le carton. Il lui semble toujours aussi rempli.

Inventoriez ou pas ? Il tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de se donner l’ordre : Ne recule pas ! Fonce !

Inventaire en désordre, première sortie, première notée et ainsi de suite

Déjà 22 dans son premier inventaire.

Le carton n’est toujours pas vide.

Suivront en désordre et succinctement,

Blaise a atteint le nombre fatidique de 32. Il ne peut continuer même si le carton n’est pas vide.

32… pas un de plus. Déjà trop.

Basile baisse les bras.

Basile, tout doucement, se met à pleurer…

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Basile fouilla dans sa mémoire afin de retrouver le carton où il entassait ses trésors. Heureusement, il savait. Il se dirigea, presque les yeux fermés vers l’étagère Billy vitrée. C’est là qu’il était. Il se baissa, le prit, en secoua la poussière — combien d’années qu’il ne l’avait pas ouvert.

Il fit tout cela avec “J’ai mis des mots » et autres titres de Grand Corps Malade en boucle. Quelle idée ! son doigt dérapa sur un autre onglet et il découvrit la carte des chansons du monde. Mieux que le contenu de sa boite. Il s’abima dans sa découverte. Puis il rebondit aux côtés des Ogres de Barback

Il regarda, enfin, le contenu de son carton.


[1] Les cinq références des cartes sont recopiées à la majuscule près — même remarque pour les suivantes

A propos de Danielle Masson

L'Ouest de la France quitté depuis plus de 20 ans ... déjà ... pour la Provence Suivre les traces du bon Roi René écrire, faire écrire, partager les mots essayer mais parfois dur, dur !!! joyeuse, enthousiaste à vous lire y apprends tellement

Un commentaire à propos de “#40jours #06 | carton plein”

  1. Bonjour Danielle
    Toujours un grand plaisir de recevoir des nouvelles de Basile, même si elles sont un peu douces-amères…