#40jours #06 | cartes de la ville de peu

Né dans les confins, dont les noms n’apparaissent pas dans les livres, ne sont pas prononcés à la télévision ou à la radio.

Pour cela si précieuse la première carte possédée : le calendrier des PTT, un fascicule où il y avait la carte du département, le plan de sa préfecture et des deux sous-préfectures, et la carte de France avec les départements et les régions. C’était le calendrier de l’année passée que l’on m’abandonnait.

Puis, les cartes dans le Larousse 1973.

Les cartes sont avec les livres comme cul et chemise.

Il y aura la mappemonde, cadeau de Noël, accrochée sur le papier peint de la chambre et qui institue un quartier général ou un poste de pilotage lors des rares jeux avec d’autres enfants. Un jour un coup de bâton, de verge, laisse une déchirure dans l’Océan Indien.

Pour le voyage comme pour les pneus, les cartes Michelin pour le père. Il les désigne par leur numéro. Il les étudie avant de partir, plusieurs jours avant. En expliquant, il pointe l’annulaire, ses doigts sont restés massifs longtemps après qu’il ait quitté le travail manuel. Plus tard, les noms prononcés sont vus sur les panneaux indicateurs. Le réel n’a rien à voir avec ce qui a été imaginé : étonnement teinté de doute que l’on puisse représenter le réel. Plus tard : le réel est ce qui déçoit. Les plus belles cartes sont celles que l’on regarde sans arrière-pensée d’aller, de se rendre, celles qui sont littérales. La carte de l’Empire de Borges semblera banale, simple passage à la limite, quand son envers, la parabole du palais sera autrement plus fascinante.

Deux atlas : celui de la maison, et celui de la grand-mère. Dans celui de la grand-mère, souvenir d’une représentation d’un planisphère, en perspective, à plat sur la première page. Dans l’autre, les couleurs ocres, rouges, jaunes, des cartes bleutées des précipitations, des planisphères en lambeaux de peaux d’orange expliquant les projections, et les juxtapositions de régions différentes et de typologies de cartes diverses, séparées par un mince filet de blanc

Un petit livre avec une double page pour chaque arrondissement, des pages annexes pour les communes de banlieues, un répertoire des rues, des listes peu à peu vont vers l’extraordinaire, les musées, les églises orthodoxes, les bains-douches, les tennis, il y a des schémas des lignes de métro et des lignes de bus. Pour le protéger, la couverture est recouverte d’un plastique grenat proche de celui qui couvre le livre de messe. Il y a un plan, replié trois ou quatre fois et qui revenu à sa dimension originelle représente toute la ville.

Ces cartes ont le don de susciter la profondeur et elles rencontrent les coupes, qui sont même lues à plat des cartes verticales : bateaux, sous-marins, monuments antiques, bâtiments des temps lointains. Le réel est riche en secrets qui peuvent être reçus en don. La dernière coupe : une série de carrés sur une page avec des noms : l’immeuble de la Rue Simon Crubellier, et toute l’épaisseur du livre est là, et son épaisseur dans le temps, un des rares dont j’achèterai l’édition originale encore plus massive que le livre de poche.

Le planisphère a été offert aux sœurs ou à l’une d’entre elles, avant la naissance. Il est légèrement plus petit qu’un ballon de football. Il pose sur trois pieds. Le bleu de la mer est usé, la France est minuscule. Vient la douleur à force de scruter pour découvrir quelles sont les noms des rares villes choisies et écrits.

Le premier guide c’est le Tour du Monde par deux enfants, dans une édition anastatique reçue en cadeau, lue et relue, les gravures au cuivre sont toutes des cartes même celles qui représentent des scènes historiques, des monuments, des personnes. Les lignes horizontales serrées font le ciel, la mer, les murs. Les deux orphelins ne passent pas par la ville de l’enfance, le département est seulement mentionné pour être le lieu de naissance d’un inventeur.

Deux cartes en plastique. Une rouge, en suivant son contour, le pourtour de la France est dessiné. Un trou pour chaque préfecture. L’autre est rectangulaire, entaillé des limites de chaque pays européen. Il faut pour l’utiliser un crayon ou un stylo étroit.

Le guide Michelin 1954, trouvé dans une poubelle ou ramassé à la décharge par le frère. Tout est éloigné dans le temps, les indications, les durées de voyage, les villes réduites à la taille d’un timbre-poste, îles tout en nuance de rouges. Deux hôtels seulement pour la ville de naissance dignes des voyageurs aisés.

Installé dans la bibliothèque du palais, le premier livre sorti des étagères et posé sur la table faisant office de bureau, ce sera un livre sur les portulans.

Dans la ville des ruines, il y en aura beaucoup des plans, le plus laid et le plus pratique portant en surimpression sur les rues les parcours des bus, tant qu’à chaque visiteur en offrir un et y cercler les lieux importants.

C’est dans l’Atlas des Régions Naturelles qu’elles seront les photographies de la région de l’enfance, et presque comme si elles venaient du rêve.

A propos de Tristan Mat

Tristan Mat vit. Ailleurs. Il écrit. A la main. Site http://www.tristanmat.net/ Profil Facebook: https://www.facebook.com/tristan.mat.735