#40jours #15 | sous le pont

Sous le pont saoul comme un cochon qu’est-ce que c’est con cette expression saoul comme un cochon ça ne veut rien dire jamais vu de cochon saoul mais sous le pont j’ai vu un truc quel pont déjà est-ce que c’est celui-ci dont j’ai déjà oublié le nom ou celui-là ou je ne me souviens pas quand tu ne viens pas avec moi je ne me souviens de rien sauf de traverser des ponts au-dessus de la seine sans toi et ce sdf sans toit non plus était au-dessous du pont et moi j’étais dessus et pour tant pour tant de pensées que j’avais probablement pour rien au-dessus de lui je l’ai vu ou aperçu juste un morceau de lui mais qui m’a intrigué juste un bout un petit bout un bras une épaule une main et au bout de la main une bouteille et l’écho de la voix sous le pont normalement aurait dû me faire fuir ou traverser plus vite ce pont sans nom actuellement sur lequel je marche sans toi au-dessus d’un homme sans toit un sdf et du coup ce coup d’œil que j’ai jeté sur la main au bout d’un bras d’une épaule et d’une demi face mal rasée j’ai dit je t’ai je t’ai vu je t’ai découvert je t’ai trouvé toi et j’ai trouvé un moyen pour descendre plus bas au ras de l’eau sur le quai quel quai ne me demande surtout pas je ne te le dirai pas car pour le moment je suis dans la descente d’un escalier sur lequel je fais escale en me demandant si je vais vraiment aller jusqu’au bout, jusqu’à la Seine et m’enfoncer dans cette obscurité du pont que j’aperçois déjà et pourquoi je n’irais pas qu’ai-je à craindre ou à perdre qu’ai à y gagner non plus sous le pont à trouver ce sdf sous le pont probablement saoul comme un cochon il faut voir ça jamais vu de cochon saoul et encore moins sous un pont un pont dont visiblement je ne veux pas du tout me souvenir du nom et je te prends à témoin que si j’avais été là sur ce pont avec toi ça ne serait pas passé comme ça je t’aurais regardé toi je n’aurais pas jeté un coup d’œil par-dessus le parapet je n’aurais pas dérapé et cherché ensuite cet escalier qui mène au quai plus bas encore plus bas près de la Seine et j’aperçois déjà l’obscurité dans laquelle je vais devoir aller, marcher m’engouffrer pour voir de mes yeux l’autre partie de cette image entrevue celle d’un sdf tout entier cette fois quoique probablement assez mal éclairée cette image car il fait sombre sous ce pont là ça me revient j’y suis passé plus d’une fois déjà il y a quelques années quand je ne te connaissais pas quand je me fichais pas mal d’être seul et de boire je m’installais là juste où je l’ai vu ce sdf saoul comme un cochon qui n’existe pas et c’était un peu lui un peu moi que je viens trouver là en descendant l’escalier après l’avoir un peu cherché pour descendre plus bas et rejoindre la Seine ou la scène la scène d’un crime autrefois commis sur quelqu’un mais est-ce vraiment moi-même je ne me souviens plus très bien j’étais sous le pont saoul et je regardais pareil là-haut les gens marcher là-haut très peu savaient que je les regardais ils s’en fichaient qu’allaient-ils donc se soucier d’un sdf sous un pont saoul comme ils disent saoul comme un cochon ces gorets et aussi ça m’écœurait d’être sale comme un cochon et eux propres comme des sous neufs des sous neufs ça me rappelle un temps je ne me souviens même plus si c’est vraiment le mien mais on disait ça après la douche propre comme un sou neuf et moi je n’ai jamais connu de sou de vrai sou ni de gros sou non plus moi je connais le centime le franc et vaguement l’existence de quelques pièces trouées mais c’est encore plus loin et j’ai peur de confondre tout la mémoire de mes vieux la mémoire de mes vioques et archi vioques de tous mes aïeux mes descendants ou mes ascendants en tous cas sans dent c’est sûr à la fin ils n’en avaient plus sans dent moi non plus et dire que c’est aujourd’hui une insulte sans dent et socialiste en plus c’est un socialiste qui aurait dit sans dent en parlant de vous et moi je n’en reviens toujours pas, je préfère rester là sous ce pont dont j’ai retrouvé enfin le nom après tout ce bégaiement mais je ne le dirai pas je ne le dirai pas il restera un secret entre ce sdf et moi c’est à dire un secret qui se crée entre gens sans dent en dedans un pacte qui nous lie afin que l’on conserve au moins ça qu’ils n’emporteront pas dans leur foutu paradis là-haut quand ils marchent au-dessus de nos têtes et ne nous regardent pas ne nous regardent jamais et bien sûr que je suis entré là dans l’obscurité et que je me suis assis là moi aussi j’ai passé la moitié d’une épaule par-dessus un tube la moitié d’un bras d’une main et au bout de la main j’ai levé un doigt juste comme ça au cas où quelqu’un serait curieux et aurait envie de descendre pour venir me voir un doigt d’honneur oui tiens et viens y donc voir un sdf sous un pont saoul probablement comme un beau cochon et puis après je ne sais plus trop si j’ai retrouvé un toit s’il a retrouvé un toi les toits et les toi ont fini par ne faire qu’un et avec moi ça fait toujours deux pas deux comme les deux doigts d’une main non deux comme 1 contre 1 généralement c’est comme ça qu’on apprend à compter sous ce pont dont je ne cesse de dévaler l’escalier marche après marche pour arriver à hauteur d’eau à hauteur de Seine et me réfugier las des sous là dessous dans l’Hadès sous la ville sous un pont de la plus belle ville du monde parait-il dont j’ai finalement renoncé aussi à prononcer le nom comme le nom du pont renoncer c’est pas rien faut en faire des efforts et encore ce n’est pas fini il se pourrait que je vous étonne encore que demain je fasse encore plus fort en ne parlant juste que d’un sdf sous un pont aperçu vaguement sans plus aucune question sans aucun développement et peut être même que je n’en parlerai pas je n’aurais pas besoin d’en parler du tout aucun besoin de connivence voyez-vous ou ça conduit de descendre sous un pont et d’étudier le peu de besoins qu’il faut avoir pour vivre ici et on finit par boire jusqu’à la lie aussi et la boucler voilà tout et c’est aussi une noblesse qui en vaut bien une autre n’importe quelle noblesse vous savez non vous ne savez pas vous ne savez pas grand-chose que ce qui vous arrange en fait mais ça ne vous arrange pas c’est le contraire enfin je ne vais pas insister sur ce point car il n’est pas final vous pouvez faire mieux dans le pire ça je le sais pas besoin de dessin pour le savoir

A propos de Patrick Blanchon

peintre, habite en Isère entre Lyon et Valence. Rencontre du travail de F.B via sa chaine Youtube durant l'année 2022, et inscription aux ateliers en juin de la même année. Voir son site peinture chamanique. De profil je suis : Discret, bargeot, braque. Et de plus en plus attiré par la réserve, la discrétion , et ce plus je lis et écris. Deux blogs, dont un que j'ai laissé en jachère. https://peinturechamanique.wordpress.com/portfolio/voyage-interieur-patrick-blanchon-artiste-peintre/ En activité encore pour l'instant : https://ledibbouk.wordpress.com/2023/12/15/ambiguite/ Ce sont des sites gratuits, bien désolé d'avance si vous y voyez parfois de la pub.

Un commentaire à propos de “#40jours #15 | sous le pont”

  1.  » aucun besoin de connivence voyez-vous ou ça conduit de descendre sous un pont et d’étudier le peu de besoins qu’il faut avoir pour vivre ici et on finit par boire jusqu’à la lie aussi et la boucler voilà tout et c’est aussi une noblesse qui en vaut bien une autre n’importe quelle noblesse vous savez non vous ne savez pas vous ne savez pas grand-chose que ce qui vous arrange en fait mais ça ne vous arrange pas c’est le contraire enfin je ne vais pas insister sur ce point car il n’est pas final vous pouvez faire mieux dans le pire ça je le sais pas besoin de dessin pour le savoir ». Bon ! Après toute cette descente à la Potemkine on va relire le texte et de dire que de l’eau , beaucoup d’eau est passée sous ce pont. Le meilleur rêve d’un.e SDF c’est de ne plus l’être, le meilleur rêve d’un personnage qui boit , c’est d’être ivre sans s’en apercevoir et se réveiller sobre sans l’ombre d’un souvenir d’escalier glissant au bord d’un fleuve qui l’attire . Le pont est là pour lui rappeler qu’il peut remonter et recommencer l’histoire mais ça c’est la théorie. La logorrhée ébrieuse que la consigne a peut-être encouragée me donne le goût de mieux regarder les ponts avec Goggle Earth, là au moins , on ne voit pas les détails… En tout cas , il s’en sort bien de pote à Bacchus ! Bravo ! Ah, non, j’oubliais pas de compassion ! On peut dormir dehors l’été… ça passe presque inaperçu , sauf s’il grêle…