#40jours #17 | elles et ielle et qq autres

À la lecture publique à l’embarcadère elle est venue avec sa fille et des galettes de chaises. Elles sont si minces les galettes de chaise qu’elles ne protègent pas de la dureté du banc ni de celle du texte. Sa fille se cache dans ses bras à la lecture de Barbe bleue quand il faut regarder ce qu’il y a dans le cabinet interdit. Sa fille prend les galettes de chaise pour s’assoir sur la pelouse au soleil. Elle reste sur le banc et préfère ne pas figurer sur les photos.

Ielle porte une salopette à fleurs et une boucle à l’oreille. C’est lela responsable de la bibliothèque du village. Avant, ielle dirigeait une troupe de théâtre, metteur(e) en scène et acteur(e). Ielle lit des textes en public aussi souvent qu’ielle peut et se prête au débat, à tous les débats « pour ou contre le voile », « pour ou contre le burkini dans les piscines ». Ielle reste courtois et défend tranquillement ses convictions. Tout(e) ielle qu’ielle s’affirme, sa barbe et son crane rasé en imposent à cette assemblée de femmes plus très jeunes.

Elle a des problèmes de serrure avec sa porte blindée 5 points de marque mortibus qui ne ferme plus et ne s’ouvre plus si elle la ferme. Elle a des ennuis de plomberie aussi dont elle se soucie moins. Elle tient à fermer sa porte quand elle sort, tire par la poignée qui cède. Seize marches raides dévalées, tête la première, une clavicule cassée. Elle a toujours été volontaire et n’a jamais cessé de fumer ses petits cigares. C’est pour eux qu’elle est sortie, elle ne va pas renoncer aussi facilement, même si parfois elle en a marre.

Elle apporte son avis au débat. Elle a un léger accent nordique charmant. Elle se souvient d’avoir été invitée chez une parente en Hollande à un mariage tchétchène. Les femmes et les hommes étaient séparés et ça l’avait choquée. Ici on est en France, il faut s’intégrer, quand même. Vous ne croyez pas ?

Il achète ses légumes à la maraichère. Il prend de tout ou presque, il n’y a pas tant de monde à ce nouveau marché du samedi matin qu’a installé la mairie. Et parle beaucoup de lui. Dit qu’il a fait un saut alors qu’il était en pleine réunion à la mairie et qu’il va quand même prendre le temps d’aller prendre un verre à la buvette chez son fils. Je crois qu’il a peur que je ne l’aie pas reconnu, lui le beau-père de madame le maire, le père du cabaretier qui est aussi le mari de madame le maire.

Le petit garçon lui a demandé de lire les habits neufs de l’empereur. C’est un peu long, il patiente attentif. On sent qu’il attend la fin qui le fait trépigner de joie. Le roi est nu.

Il y a un paragraphe qui évoque notre légende du TiersLivre à qui je pense aujourd'hui après sa dernière mésaventure lue sur Facebook. J'irais bien l'aider si j'habitais Avignon. Je peux bien sûr supprimer ce paragraphe si elle le souhaite.
Contente d'avoir l'autorisation de Brigitte. Merci Brigitte.