#40jours #17 | bouts de chaînes, femmes sans travail

Elle est allongée au milieu des cartons et sert contre elle tout ce qu’elle possède. Une photo, une écharpe en laine, une boîte en fer. Elle ou il, il ou elle. Elle n’a plus de sexe, elle n’est plus un être humain, elle est tout juste vivante. Elle sent la pisse sans savoir si c’est la sienne. Car les autres, tous les autres, lui pissent dessus. Elle est l’extrémité de la chaîne. Elle est la dernière marche avant de sombrer dans le vide. Ou pas ?

Comme tous les matins, elle l’embrasse sur le palier avant qu’il ne monte dans sa belle voiture. Elle lui offre ce geste quotidien devenu fade et sans saveur. De dominée à ignorant. Avant d’aller affronter le regard supérieur de celles qui bossent, de celles qui n’ont pas trois marmots à torcher, une maison à ranger, une lessive à faire tourner. Et le soir, ce retour comme une explosion qui, un jour, la fera partir. Tu t’es bien reposée ma chérie ?

Déjà sa naissance. Créée à partir d’une côte de l’homme originel, poussière de poussière, assujettie avant même de pouvoir respirer. Puis le fardeau, à cause d’une banale histoire de pomme et de serpent. Expulsée de son jardin, migrante avant l’heure. Condamnée à se cacher, condamnée à souffrir. Condamnée à être responsable du malheur des hommes. Montrée du doigt pour le reste de l’histoire de l’humanité. Responsable. Coupable. Dans quel merdier nous as-tu fourrées ?

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

15 commentaires à propos de “#40jours #17 | bouts de chaînes, femmes sans travail”

  1. De la gravité la plus noire à une touche d’humour, en passant par la triste vie banale…
    Merci pour ces trois textes fulgurants.

    • Merci Catherine. Moi, je reste ébahi par la simplicité des femmes que je croise dans d’autres textes.

    • J’ai eu du mal avec cette proposition que j’ai trouvée très contraignante. L’impression d’écrire en touchant les murs. Mon regard d’homme peut-être…

      • Est-ce le fameux malaise des hommes dans une période où ils sont fortement incriminés dans leurs gestuelles et pensées dominantes ? La plupart des hommes sont des êtres doux et bienveillants, parfois plus tendres et sensibles que leurs partenaires au féminin. Mais nous sommes dans une période de tension civilisationnelle qui produit des phénomènes de ce type comme contre-coup d’un balancier qui portait jusqu’ici du côté des plus forts physiquement et moralement, élevés et formatés comme tels. Les femmes auront aussi à entendre leurs quatre vérités à un moment ou à un autre, mais la priorité se fait sentir. Les femmes bougent et ce n’est que le début. N’ayez pas peur, vous n’êtes pas plaqué au mur, vous êtes au pied du murs ( des lamentations?) ce n’est pas la même chose. Vous lire est un plaisir.

    • Si quelqu’un veut bien écrire ce texte rédempteur, ça m’arrange. Merci Olivia.

  2. Pour la Genèse, j’ai toujours envie d’en rire tellement c’est loufoque… Je me souviens d’une histoire qu’on nous avait racontée en guise d’interprétation qui selon l’auteur (qui restera anonyme pour le préserver de la mise au ban) peut devenir une légende utile : Tout est basé sur un biais cognitif d’Adam, concernant sa moitié potentielle… Il a cru tout naïvement et avec bienveillance qu’Eve aimait les pommes , c’est pourquoi voyant qu’elle en avait perdu le goût, il s’inquiéta et se mis à lui apporter des tombereaux de pommes , sans parvenir à la contenter, puis il se mit à lui faire une multitudes de cadeaux pour accéder à ses faveurs ( des fleurs ,des biloux, des joujoux, des friandises), il en fit une favorite et une boulimique , elle devint acariâtre et finit par rompre le contrat car ce n’était pas le goût de la pomme dont elle avait besoin, mais de plaisir physique et de respect de son consentement. (J’ai un peu brodé mais en ce moment on peut écrire cash ). Je vous laisse à vos déductions elles sont libres de droits et de fantaisie, c’est le moment !

    • Je ne m’intéresse pas beaucoup aux choses de la religion mais vos explications me plaisent car elles ouvrent de belles portes. Merci Marie-Thérèse.

  3. C’est marrant j’ai fait aussi ma Ève mais je l’imagine plutôt futé face à un Adam resté un peu enfant! Bravo pour cette profonde mise en abime de ces trois femmes