#40jours #17 | mythiques

Résignées


Elle ne prend pas le temps de relever les boucles de ses cheveux qui tombent en vagues épaisses sur son ouvrage. Ses mains nervurées de tendons tissent en mouvements rapides et experts une corde. Ni trop fine ni trop épaisse. Solide et sûre. Propre a guider les âmes perdues. Fille de roi. Femme de héros. Pourtant personne. Elle sera abandonnée sur une île, par celui qu’elle aime passionnément. Comme on se débarrasse d’un bagage encombrant. Peut importe, elle connaît sa valeur. Elle est indispensable comme la corde qui s’allonge entre ses phalanges.

Les yeux hagards, la démarche hésitante , elle longe les murs. Presque transparente. Fantomatique. Pourtant elle ne fait peur à personne. Lorsqu’ils la voient, ils se moquent. L’autre jour un groupe d’enfant lui a même jeté des pierres. Personne ne lui adresse la parole. D’ailleurs elle évite de parler à présent. On lui a fait comprendre qu’il ne faut pas dire. Personne ne la croit plus. Personne ne l’écoute plus. Elle est terrorisée. Elle porte seule les secrets de l’avenir.

Clairvoyantes



Elle a été affublée trop tôt d’un fils unique. Elle l’a couvée. Père absent. Elle a tout fait, tout accepté pour lui. Où peut il encore bien être? Bientôt l’heure de manger. Elle a passé la matinée au lavoir. Une miche de pain  gonfle paresseusement sur le bord de la fenêtre. Il ne va pas rentrer… Il doit encore traîner avec sa bande de douze copains, leurs cheveux longs et leurs sandales… une bande de hippie. Elle soupire, elle aurait dû se montrer plus sévère. II finira mal….

Il se tient devant elle. Dans leur dos,  le bateau. Immense. Il l’a bâti de ses mains. Si elle avait eu la chance d’apprendre un métier, n’aurait elle pas pu prétendre elle aussi à un destin extraordinaire ? Mais sa place est dans les coulisses. Debout avant tout le monde. Avant même le soleil. Préparer,  cuisiner, apprêter. Puis, bien après le départ de la foule, récurer, laver, frotter. A s’user les poignets et les genoux. A lui la lumière. A elle l’ombre. Un couple de girafe s’avance. Alors oui il sauve le monde mais encore faut il savoir ce qu’on mange à midi!

Militantes

Elle se tient la tête courbée, le buste légèrement penché en avant sur son ouvrage. Sa peau est devenue transparente de ne pas voir le jour. Ses doigts fins font danser l’aiguille d’acier sur le métier à tisser. Pourtant, la pulpe de ses doigts est devenue corne. Tout en elle s’est endurci. Elle n’est plus qu’une muraille que l’on assiège de toute part. Sous son front haut, marque d’intelligence, elle se projette déjà la nuit suivante, tirant le fil avec malice. 

«Tu seras attirée par ton mari, mais il sera ton maître et tu enfanteras dans la douleur. » Elle ne ressent ni peur ni soumission. La punition est terrible. Pourtant elle se tient droite et digne. Ils la pensent  à leur service. Pour eux, elle  n’est pas leur égal, elle n’est que la  femme, créée pour servir l’homme. Lui, regard d’enfant, épaules voûtées subit la divine colère. Elle sourit. Elle a le pouvoir de donner la vie. C’est sa force. Elle ne craint aucune colère. 

A propos de Géraldine Queyrel

Vend des rêves dans la vie réelle Rêve de fiction le reste du temps. Son blog : antepenultiemefr.

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