A propos de Géraldine Queyrel

Vend des rêves dans la vie réelle Rêve de fiction le reste du temps. Son blog : antepenultiemefr.

#gestes&usages #03 | Roubaud, double rêve

Je suis sur la banquette arrière de la voiture. Il pleut et les gouttes d’eau sur la vitre s’écoulent comme des petits miroirs déformants. J’aime observer leur capacité à étirer le monde. À intensifier les couleurs. Le feu est rouge. Comme tous les lundis, maman me mène à l’école (en réalité, je me souviens surtout de son parfum entêtant et Continuer la lecture#gestes&usages #03 | Roubaud, double rêve

Gestes et usages #02 Echenoz, courir

Nerveux. Ton long corps musculeux s’assoit sur la paille tressée. Grincement de l’assise sous ton poids. Dos bien droit contre le dossier. Tu prends le temps d’écouter le silence. Tu as toujours aimé te lever le premier. La maison encore toute remplie de rêves te rassure. Toute à l’heure, la pièce sera pleine de café frais, de sourires, de petites Continuer la lectureGestes et usages #02 Echenoz, courir

#gestes&usages #01 | Ernaux

À cause des brouillards de ces matins d’automne, brumes opaques comme un voile de dentelle étendu sur le sol, cachant jusqu’au bout mes bottes de pluie et la paume blanche de ta main qui tient la mienne sur le chemin de l’école, souvenir presque transparent, pâles instants tout juste éclos du présent.Mais il y avait aussi ton regard triste réchauffé Continuer la lecture#gestes&usages #01 | Ernaux

#enfances #06 | Ryoko Sekiguchi, la voix

Nous sommes dimanche. Combien de dimanches avant d’entendre sa voix ? J’en ai cherché les sonorités, le timbre, les mots. Puis j’ai fait le calcul. Approximatif. Deux à trois cents dimanches avant sa voix. Il est impossible de conclure que je ne l’ai pas connue avant de l’entendre vraiment. Sa voix n’avait alors pas de visage. Je me projette loin en Continuer la lecture#enfances #06 | Ryoko Sekiguchi, la voix

#enfances #03 | Bonnefoy, gravir

Joué, triché, soufflé, touché. Gagné.Joué comme si le jeu avait déjà commencé ou allait se terminer. Jouer. Sans se soucier du temps. Jouer sans fin. Pas plus que de début. On n’apprend pas à jouer. C’est le jeu qui nous prend. La vie au devant. Vivre pour jouer, et non jouer pour vivre.Joué. À vos marques, prêt, partez ! Visé, lancé, Continuer la lecture#enfances #03 | Bonnefoy, gravir

Enfances # 02|Walter Benjamin, boîtes et armoires

La commode du salon. La télévision est posée dessus. Toujours éteinte. La tapisserie aux larges fleurs de laurier a été choisie par C. il y a si longtemps. Les fleurs roses éparpillent leurs pétales sur le mur tout autour. Un bouton de laiton manque sur le premier tiroir de la commode. Celui qui est tout en haut. C. fait une Continuer la lectureEnfances # 02|Walter Benjamin, boîtes et armoires

#enfances #01 | Sarraute & M. Bilit

C’est un de ces beaux soirs d’été. De ceux où le ciel, vide de nuage, laisse la lumière blanche et puissante de la lune étendre les ombres loin derrière les corps. Grand-mère m’a expliqué que la lune n’a pas de lumière et que c’est le soleil qui y reflète la sienne. Son explication ne m’a pas plu et je persiste Continuer la lecture#enfances #01 | Sarraute & M. Bilit

#enfances #00 (2) | Meaulnes

Tu m’embrasses. Une seconde m’échappe. Et tu n’es plus là. Flotte encore ton parfum. À peine quelques notes de tête. Respirations rassurantes des bruits connus : la porte entrebâillée grince. Grince aussi la marche de l’escalier de bois. Puis plus rien. Le silence.Je suis allongée dans les draps bordés de froid. Ne reste que l’empreinte chaude de tes lèvres sur Continuer la lecture#enfances #00 (2) | Meaulnes

#enfances #00 | Meaulnes

J’ai lâché ta main. J’ai percuté un corps. La foule ne s’est pas arrêtée. J’ai bien essayé de l’éviter, mon pied a trébuché. Je n’ai pas pu l’éviter. La foule m’a percuté. J’ai lâché ta main. Où es-tu ? Voilà ce qu’il aurait fallu que je me dise. J’ai trébuché et la foule m’a fait lâcher le petit avion rouge avec Continuer la lecture#enfances #00 | Meaulnes

# été 2023 #08| expansion Claude Simon

Une mousse brune pousse en mottes disjointes sur la partie supérieure du verre, bien loin du sol, comme soufflée aux hasards des vents. Elle grignote peu à peu la transparence minérale. Invisible, elle se propage sans jamais retourner à la terre noire et fertile à qui elle doit son brun teinté de vert. Les spores se détachent, légères, depuis la Continuer la lecture# été 2023 #08| expansion Claude Simon