# rectoverso #03 | le sourire de Zanzibar

Il y a cette table qui me regarde

Il y a cet homme jeune couché dans son lit et qui n’a qu’un seul désir n’ayant plus de désirs, demeurer couché dans ce lit.

Il y a les œillets qui se dessèchent dans le vase

Il y a l’air qu’on ne voit pas mais qui pèse

Il y a que tout ça me gonfle, mais…

il y a les Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar…

Il y a les arbres du bois désaltérés un peu par une petite pluie 

Il y a l’enfant affamé qui s’abandonne à la mort

Il y a la peur du soldat et aussi la peur du soldat

Il y a les boutiques débordantes de marchandises bradées

Il y a le manque de tout et les étals vide 

Il y a que tout ça me désole, et …

il y a le coeur noir des Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar…

Il y a la joie de vivre

Il y a la morosité

Il y a l’amour enfui

Il y a l’amour naissant

Il y a que tout ça est la vie

tout comme l’or des Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar…

Il y a le ciel chargé d’orage

Il y a le thermomètre qui s’affole

Il y a la terre qui s’ouvre

Il y a ces vagues de dix mètres

Or il y a aussi les Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar…

Il y a l’inépuisable amour maternel

Il y a le parfum des lilas

il y a que les jours coulent comme les hampes des Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar

Il y a la mort.

Ah qu’on me recouvre de Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar

Il y a ces vers de Rimbaud :

Il y a une cathédrale qui descend et un lac qui monte.

Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis, ou qui descend le sentier en courant, enrubannée.

Il y a que j’adore cette cathédrale qui descend, ce lac qui monte et la petite voiture enrubannée

Il y a la possibilité de dire oui

oui c’est un Thunbergia mais je préfère dire Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar

Oui les images s’inversent

Oui le monde se retourne comme une veste et sombre comme la nuit

Oui faut dire oui pas ouais

Oui dis-moi oui, non ?

Oui ? tu en es bien sûr ?

Oui l’horizon s’obscurcit il est une ligne qui ne va nulle part et juste sépare

Oui j’ai voté non

Oui je refuse je refuse absolument

Oui je me joins je me joins absolument

Oui j’ai un mal fou à dire oui

Oui j’ai encore dit non

Oui je préfère non

Oui tu viens oui ou non ?

Oui tu as encore dit non

Non tu ne peux pas dire oui

Dis-moi oui je t’en supplie dis-moi oui

Oui nous voici tous devant toi prêts à te dire oui

oui ô Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar…

A propos de Catherine Plée

Je sais pas qui suis-je ? Quelqu'un quelque part, je crois, qui veut écrire depuis bien longtemps, écrit régulièrement, beaucoup plus sérieusement depuis la découverte de Tierslivre et est bien contente de retrouver la bande des dingues du clavier...

15 commentaires à propos de “# rectoverso #03 | le sourire de Zanzibar”

  1. Je ne sais pas qui est Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar mais c’est une sacrée scandeuse et pour un oui et pour un non, elle vaut le détour

  2. Catherine, un grand merci d’être venue me lire (c’est une joie !!)
    je me joins au superbe commentaire de Louise
    l’immense mélancolie du texte me renverse
    c’est un texte magnifique qui tord le coeur
    et puis soudain ce sublime écho
    ce oui prêt à tout prendre
    « Oui nous voici tous devant toi prêts à te dire oui »
    comme le point d’orgue
    le point de résolution
    dans le débordement du monde

  3. Ah la petite voiture abandonnée dans le taillis! Elle a bien failli être dans mon « il y a »…

  4. Oui j’ai un mal fou a dire oui
    Oui j’ai encore dit non.
    Tout est dit ou presque.
    La lecture de votre texte me donne envie de slamer. Beaucoup de rythme
    Merci

  5. Hahaha, tu m’as bien eu ! J’ai lu sans regarder l’auteur, et voilà que je te trouve là en bas, pour une qui a sué sur le sujet il est écrit d’une façon drôlement alerte, et le clin d’œil de la fleur est magnifique ! Continue à souffrir chère amie, rendez-vous en #4,

    • quand je souffre je fais le pitre, chère Catherine 🙂 contente que ma pitrerie t’amuse

  6. Il y a la peur du soldat et aussi la peur du soldat ! Les mêmes mots, deux sens. Bravo.

  7. « il y a la possibilité de dire oui » qui te permet de passer d’un chapitre à l’autre, tout cela dans le regard de Suzanne, énigmatique Suzanne
    On la suivrait (et toi aussi d’ailleurs) jusqu’à Zanzibar !

  8. Merci beaucoup Catherine pour ces images toutes aussi touchantes. Ai particulièrement beaucoup aimé la deuxième partie avec les Oui. Bravo !

  9. J’adore le rythme les images la mélancolie qui la ténacité qui et Suzanne qui chante si bien avec Zanzibar

  10. Attrapée par cette table qui me regarde et puis cette Suzanne-aux-yeux-noirs, sourire de Zanzibar qui revient encore et encore et nous entraîne jusqu’au oui.

  11. grand grand merci de votre soutien Françoise, Nathalie, Clarence et Betty, je pensais vraiment avoir pondu une daube, à réfléchir…