#été2023 #01 | Cher Robert

  • Qu’est-ce qu’il fait ?
  • ……………………………
  • Il lit
  • (Un temps)
  • Et maintenant ?
  • ……………………………
  • Il écrit
  • Autour de Mortin- Robert Pinget

– Ah, maintenant, il lit ; il relit ce qu’il vient d’écrire

– Et alors ?

– Il chiffonne le papier, jette la boule dans la corbeille, la manque ; il se lève, ramasse, déplie la feuille sur la table

– Il écrit avec quoi, je veux dire comment ?

– Un Bic ordinaire, un Bic Crystal ; il a aussi un ordinateur, il me tourne le dos, son image se reflète sur l’écran.

– Il porte toujours une moustache ?

– Je ne vois pas bien, peut-être, mais alors,  petite, à peine une ombre.

– La table ?

– Le bureau ? Oui, on aurait pu commencer par là. Table ronde, assez grande, (on pourrait manger à huit…), dessus blanc, foutoir, mais des espaces, quelques volumes empilés, livres ou carnets noirs, un coffret laqué bleu-nuit à motifs indiens, des feuilles blanches, vierges, quelques une écrites, on dirait des listes, un appareil photo noir.

– Sa canne ?

– Posée en travers de la table, ne peut pas tomber ; à la fois presse-papier et objet inattendu.

– Une lampe ?

– Moderne, éteinte, dans le style laqué blanc, fonctionnelle, posée sur une ramette de feuilles à peine entamée.

– La lumière du jour ?

– Il tourne le dos à la baie vitrée, grand ouverte, d’où je l’observe. Un rideau bleu pâle est tendu sur une moitié.

– Le mobilier ?

– Il fait face à un meuble blanc, cases carrées, remplies de bouquins, partitions rangées à plat, de boîtes « genre à chaussures ».

– Les murs ?

– Blancs, mais commencent à s’assombrir par places, tableaux modernes, abstraits, et un figurant une lavandière sous des saules, photos.

– Dimensions ?

– Très grande pièce, chambre, bureau, studio-musique, « rencontre fortuite d’un piano et d’un vélo d’entraînement (position couchée) ».

– Qu’est-ce qu’il fait maintenant ?

– Je ne le vois plus (un temps) ; parti pisser, sans doute. Non, remonte avec un café, un de ces biscuits appelés « financier », il le trempe dans le café ; un chat saute sur la table, se couche, je dirais qu’il a l’habitude.

– Il caresse le chat ?

– Non, l’animal semble s’être endormi aussitôt.

– Pouvez-vous le décrire ?

– Difficile, un petit brun  aux reflets moirés, chat de gouttière, je dirais.

– Il écrit de nouveau ?

– Non, il relit, comme s’il racontait au chat. Maintenant il ouvre une sorte de cahier, feuilles lignées, il a dévissé un stylo, il écrit dans le cahier, ça va vite, la plume paraît glisser, sans doute un papier de qualité.

– La couleur du cahier, son format ?

– Couverture beige-rose, avec une bande de reliure ponceau ; format intermédiaire, je dirais 18×25 ; d’autres formats rares disposés sur la table.

– Des notes ou un texte suivi ?

– Ah, il s’interrompt, pose le cahier à sa gauche, approche l’ordinateur et commence à taper le texte.

6 commentaires à propos de “#été2023 #01 | Cher Robert”

  1.  » Maintenant il ouvre une sorte de cahier, feuilles lignées, il a dévissé un stylo, il écrit dans le cahier, ça va vite, la plume paraît glisser, sans doute un papier de qualité.[…] – Ah, il s’interrompt, pose le cahier à sa gauche, approche l’ordinateur et commence à taper le texte.

    Simple filature romanesque ou journal d’un chat de gouttière embourgeoisé mais indifférent ? L’enquête est bien menée, une simple caméra pourrait nous dire la suite. En tout cas cela n’est pas du tout angoissant comme début de roman.

  2. Oui, entrée originale. Difficile à mettre en œuvre, probablement, au long cours…
    Je suis, moi aussi, amateur de cette forme de récit via le seul dialogue. C’est un art difficile !

  3. – Qu’est-ce qu’elle fait ?
    – Elle commente.
    – Elle a lu ?
    – Oui, et ça lui a bien plu.

  4. – Qu’est-ce qu’il écrit ?
    – Une phrase
    – On dirait…
    – Oui… des remerciements.