autobiographies #08 | lieux

De la difficulté à y mettre des meubles ; à droite, la place pour une penderie ; blanche, en longueur, avec cintres et tiroirs ; en face, trois penderies blanches ; avec cintres et tiroirs ; tout en haut, vieux sacs posés ; qui touchent le plafond ; à gauche, la porte fenêtre ; en longueur et bois blanc ; vitrages simples ; déjà cassée, une fois ; par jour de grand vent ; de son côté à elle ; le tabouret de chevet ; noir, en métal ; la lampe posée dessus ; noire et un peu tordue ; à revisser parfois ; encombrée de livres ; pas encore lus ; à lire ; en lecture ; les uns sur les autres ; jamais dans le même ordre ; portable au-dessus la nuit ; derrière le lit, le mur blanc ; 10 m2 à tout casser, peut-être 12 ; la pièce, pas que le mur ; de son côté à lui ; un livre ; jamais terminé ; pas de place pour la porte grande ouverte ; mais assez pour les fenêtres ; petit balcon du 3ème étage ; toujours agréable pour le café du matin ; quand il fait beau ; ou la clope du soir ; quand il fumait ; ou pour regarder les étoiles ; par les soirs lumineux ; pas de portes aux penderies ; meubles magasin Ikea ; à monter soi-même ; blancs comme les murs ; pas de portes aux penderies ; trop chères avec les portes ; tout est à découvert ; sauf les culottes et les caleçons ; cachés dans le fond ; des tiroirs à tirer ; et qui se referment tout seuls ; enfin, normalement ; chemises à manches courtes et longues pour lui ; vieux pulls jamais mis ; jeans en pagaille ; la veste pour les soirées ; blouson pour la ville ; blouson court pour la forêt ; bordel constant du côté masculin ; propreté maniaque du féminin ; chemises et vestes repassées ; pantalons sur cintres ; tenues du soir ; rangements été et hiver ordonnés ; gants de boxe ; odeur de sueurs et d’huiles essentielles ; baskets de sports ; toujours crottés ; vieilles et à racheter ; au milieu, le lit qui accueille ; la nuit et ses amours ; le jour et ses amours ; la sieste avec les deux chiens ; les lectures du soir ; emplies de marque-pages ; les manteaux des copains ; la folie des roulades ; sous le lit, des boites à chaussures ; la poussière qui s’accumule ; parfois, un objet perdu ; ou un chien cherchant la fraicheur ; des chaussons d’adolescents oubliés ; après un câlin avant de se coucher ; un endroit peu visité ; sauf quand le lit est soulevé ; grand ménage de printemps ; retrouvailles joyeuses ; deux tableaux au mur ; d’amis d’artistes ; à l’encre et peinture noire ; fines et délicates ; cadeaux d’anniversaires ; pas de chaises ; pas de fauteuils ; pas de place ; pas de photos ; au plafond, la trace de sang séché d’un moustique ; tué en plein été ; la vue de la porte fenêtre ; sur le parking ; sur une école ; sur des arbres ; sur le ciel ; sur la route au loin ; sur les voitures qui passent ; chambre à coucher ; chambre à aimer ; chambre à rêver ; chambre à parler ; confidences sur l’oreiller ; baisers sur l’oreiller ; la chambre des parents ; c’est nous les parents.

Petite cabane violette ; d’un violet défraichi ; pas repeinte depuis longtemps ; à ouvrir avec un cadenas ; et une clé du porte clef ; deux clous à l’intérieur sur la porte ; deux clous gris ; deux beaux clous, un peu rouillés ; pour les manteaux ; les gants à jardiner ; les sacs à emmener ; murs en bois ; sombres, pas de lumière ; en carré ou en rectangles ; plutôt rectangles ; toiles d’araignées ; dans tous les coins ; jamais balayées ; grosses bêtes noires ; qui restent là, tapies ; effraient les ados ; surveillent les outils ; petits clous bien alignés ; bêche ; râteau rouge ; râteau noir ; filets verts ; protections plastiques ; tuteurs à tomates ; pelles à biner ; pelle à ratisser ; serfouette forgée ; binette ; griffes ; la houe maraichère ; le sarcloir ; le sécateur ; ciseaux pour les herbes ; toujours pleins de terre ; sol noir poussiéreux ; jamais balayé ; arrosoirs vert et rouge ; grand et petit ; parfois un fond d’eau ; pots à fleurs vides ; bouteilles plastiques vides ; sachets de graines ; petits pois ; carottes ; betteraves ; mais ; aubergines ; sachets de terreaux ; sachets de déchets ; sacs de pommes de terre ; à planter ; laisser pousser ; aller chercher ; tuyaux d’arrosages ; jaunes et lourds ; robinet individuel en fer ; pour le calcul de l’eau ; chaque année ; pinces oranges ; piquets verts ; doryphores morts dans un seau ; petite belle à baqueter accrochée ; sac jardiland usé ; bien déchiré ; barrière pas encore mise ; chaise de jardin à déplier ; rouge, orange en toile ; qui a parfois servi ; pas beaucoup, parfois ; joyeux bordel ambiant ; parfois désespérant ; jardin devant ; 100 m2 ; plus que l’appartement ; 20 ans à jardiner ; c’était avant ; hier, j’ai tout rangé ; dans de grands sacs noirs à gravats ; tout jeté à la déchèterie ; dans ma vieille voiture cabossée ; petit cadenas fermé ; quelques larmes ; une page à tourner ; la terre est basse ; plus assez de temps ; plus l’envie comme avant.

Après la porte d’entrée ; la petite cuisine sur la gauche ; allumée par une ampoule sans abat-jour ; frigidaire ; évier; lave linge ; couverts ; assiettes ; verres ; toilettes en face, magazines au pieds ; juste en dessous du papier toilette rose ; cartes postales sur les murs ; interrupteur à l’extérieur ; puis, la salle de bains ; blanche ; douche ; rideau de douche transparent ; évier avec miroir ; lumière frontale ; puis, le petit couloir droit et en partance vers la droite ; armoire ouverte ; pour manteaux et chaussures ; à gauche ; petite salle à manger ; à droite, petite table basse ; pour l’apéro ; contre le mur de gauche ; une table pour quatre ; pour le diner ; une grande lampe ronde juste au dessus ; noire avec un faisceau de lumière tendre ; tenue par un long câble ; descendante à quelques centimètres des assiettes ; m’impressionne toujours ; et si elle tombait ? ; un petit canapé gris ; deux chaises ; autour de la petite table basse ; une porte à droite, chambre à coucher ; jamais vue ; les étoiles par la fenêtre ; les immeubles d’en face ; le dessin des réverbères ; une bouteille de vin rouge et des verres ; trois petits bols apéritifs ; des petites bougies argentées ; des lumières tamisées ; douceur du canapé gris ; les chaussures enlevées ; chaussettes et jambes repliées ; l’odeur de la cuisine ; premières gorgées savoureuses ; premiers mots échangés ; le ventre rond et plein d’elle ; son bonheur à lui ; nos dernières nouvelles partagées ; dehors, le vent souffle ; les arbres frémissent ; de jolies serviettes rouges ;  » cela fait longtemps que l’on ne s’était pas vu  » ; « oui, trop longtemps  » ; nos éclats de rires ; la bibliothèque dans un coin ; regards rapides sur les livres ; un, sera emprunté ; bouquet de fleurs apporté ; mis dans un vase transparent ; plantes posés contre la fenêtre ; on ne voit plus rien dehors ; le temps semble s’être arrêté ; plus rien d’autre n’existe ; le bruit du repas ; la douceur des mets ; le vin qui coule ; les souvenirs qui fusent ; les yeux qui pétillent – Tout ce qui nous lie –

Quatre lits superposés ; draps blancs ; gros oreillers ; petite prise murale ; petit tiroir; petite lampe pareil à celle d’un avion ; la lettre de mon lit ; le C du troisième étage ; la petite salle de bain ; une douche ; un évier ; un toilette ; fonctionnelle ; un sol abimé ; lino coloré, décoloré ; fissures dans les murs ; peintures manquantes ; rideaux bleus devant chaque matelas ; pas d’intimité ; petit dortoir ; le règlement intérieur sur la porte à l’intérieur ; porte bleue couleur ciel clair ; une étiquette « please save Energy » ; collée au dessous de l’interrupteur ; pas de table pour travailler ; quatre sortes de poufs durs pour écrire ; du tissu mural bleu et blanc ; des lettres inscrites « Bonne nuit Marseille » ; une terrasse ; trois portes fenêtres ; des rideaux bleus ; une jeune fille à ma droite ; allons nous être quatre ou rester à deux ? ; on ne parle pas ; chacune sur nos machines; à attendre la nuit ; l’ascenseur pour monter ; étroit en compagnie de deux surfeurs australiens ; échanges verbaux en anglais ; souvenirs d’une folle époque ; breakfast à 7H30 ; j’en rêve déjà ; servi dans la cafétéria ; auberge de jeunesse, l’essai d’un soir ; sympa ; mais je me demande, suis-je encore jeune ?

Codicille : Je viens d'écrire dans le train Paris Marseille - le temps du trajet avec ces lieux à explorer - sûrement à retravailler - j'y reviendrai - Bon dimanche.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

4 commentaires à propos de “autobiographies #08 | lieux”

  1. Quelle belle déambulation dans cet espace hors temps hors monde un peu comme une île perdue de Norvège peut-être la Suède boisée le goût l’odeur du jardin tous les ustensiles les livres à lire peut-être imprégnés de l’odeur du jardin il fait bon soudain, simplement, de vivre.
    Merci chère Clarence pour ce beau partage

  2. Merci beaucoup pour ce regard et également pour votre lecture de ce texte sur le zoom qui m’a beaucoup touché.

    Je n’entendais rien du tout et j’ai cru que c’était quelqu’un d’autre mais cette personne m’a dit que c’était vous. Alors merci beaucoup.