#carnets #prologue | mes carnets de griffonneuse

Cahiers, calepins, carnets : compagnons indispensables ou inscrire des idées volantes, une réaction, quatre mots – carnets ou calepins, dans mon sac, dans ma poche… et servant donc à tout, traînant parfois un temps sur la table-bureau et finissant à la poubelle.

Carnets gribouillés, avec autrefois de vagues dessins mêlés aux mots, habitude perdue, mais gribouillis toujours ; j’ai l’écriture la plus horrible et irrégulière qui soit, au point de ne plus pouvoir me relire moi-même souvent, surtout quand j’ai noté quelque chose avant que cela s’échappe, debout dans la rue, ma charge posée à terre et la canne sous le bras pour pouvoir tenir dans le vide ledit carnet, ou quand l’ai extirpé de mon sac dans le noir d’une salle de concert parce qu’un timbre, quelques notes, une rupture, une reprise qui n’en est pas tout à fait une et se fond dans un nouveau thème à l’ambiance différente ont appelé de façon évidente une couleur, un état, traduction approximative que j’espère éclairante pour qui n’a pas entendu et ne parle pas davantage le langage musical que moi, et dans ce cas bien entendu je ne peux me relire mais souvent la contemplation du gribouillis informe posé parfois sur une phrase antérieure qu’elle rend illisible éveille un écho.

Carnets commencés parfois pour un seul usage, phagocyté rapidement par une citation, un bout de texte, des notes, un peu de tout sauf les listes de course et les pense-bête qui dorment généralement sur le plan de travail de la cuisine, et maintenant par des lettres, des mots écrits avec application pour être lus par d’autres yeux, des verbes conjugués au présent, au futur ou à l’imparfait… inscrits comme peuvent dans tous les sens, là où ça tombe sur la feuille pendant que je tente d’expliquer.

Carnets que je ne songe pas à conserver et qui sont voués à la poubelle oui, mais par sursaut, en groupe, le jour où une envie de rangement ou un complexe né de l’encombrement que j’ai laissé s’installer me vient, mais qui attendent un certain temps parce que je les ai posés là et oubliés, parce que je sais qu’il reste des pages vierges même s’ils ont été commencés dans les deux sens, ou parce que j’ai le vague souvenir que celui-ci ou un autre contient une phrase, un fragment que je voudrais retrouver sans que j’aille jusqu’à le chercher, qui restent donc posés là sur un casier de carton contenant des livres, près de mon bureau, mêlés à des carnets vierges achetés sur un coup de tête, parce qu’ils ont un petit charme pour moi que je pense invisible aux autres, parce qu’ils sont l’oeuvre d’un petit artisan sympathique (ça c’est pendant le festival ou lors d’une vente à Rosmerta) ou pour que dans un achat de fournitures scolaires il y ait une petite note à moi destinée, carnets qui sont sans grand pedigree, sans qualité notable, et de petit prix… je suis un peu avare quand s’agit de moi ou ne veux pas être trop impressionnée par l’objet pour m’en servir.

Carnets qui bien entendu me sont indispensables même quand ne m’en sers pas.

image ©Brigitte Célérier 2022 Avignon

A propos de Brigitte Célérier

une des légendes du blog au quotidien, nous sommes très honorés de sa présence ici – à suivre notamment, dans sa ville d'Avignon, au moment du festival... voir son blog, s'abonner, commenter : Paumée.

14 commentaires à propos de “#carnets #prologue | mes carnets de griffonneuse”

  1. il y a là, disais-je, (sic) « le langage musical que moi, et dans ce cas bien entendu je ne peux me relire » quelque chose de tellement exactement vrai – surtout le « bien entendu » bien entendu – merci à vous donc

  2. Merci Brigitte pour ce partage de vos carnets, j’ai bien aimé aussi ces arrêts en pleine rue la canne sous le bras et puis ces mots inscrits comme ça tombe…

  3. Ce « petit charme [qu’ils ont] que je pense invisible aux autres »… si réciproque Brigitte !!
    Merci pour ce voile discrètement levé sur votre « fabrique »
    – et : ce soir en voiture (passagère of course), écrivant dans la pénombre entre deux rond-points éclairés… je pensais à vous