#photofictions 09 | déplacée

Biarville_Nelly Monnier_Eric Tabuchi

Se perdre se fondre inhabitée elle sature carrosse rouillé elle ossature des grincements dedans animaux morts comme elle, comme lui. Poussière. Ou existent les souvenirs ? Tu cherches les lieux te morfonds dans les orangés d’automne. Les fougères rousses attirent tes mains. Tu voudrais plonger. Comme elle. Identités mêlées, bébé sauvage, une existence trouée, placée, déplacée la petite fille pour mise à l’abri pour mise hors vue parents fous parents utopiste parents hors cadre hors champs hors société. Des choix inavouables, tu creuses autour pour réponses, tu inventes. Sa chevelure brune s’étale sur le coussin pendant ta conception, tu sais le désir, tu crois, tu espères sinon tu es l’issue, un bois mort arraché vie. Les mains carrées autour du cou un soir de chants bus. Il y avait l’amour des éclats de voix, le froid sur les lèvres paralyse, l’enfance nature, l’enfance cueillette, une chèvre pour le lait, un tapis pour les pieds, de l’eau à laver. Tu cours nus l’été la boue sur les fesses, ton sourire ne craint pas la fragilité du souffle. Rien n’existe que le trio manteau peau. Elle est belle, les yeux tendres, et puis la mâchoire se durcit sous l’injuste langue, les yeux vrillent les yeux crachent, les mains serrent, un soir d’absurde. Tu deviens le déplacement, doudou sous bras, torchon dit l’autre, il a son odeur tu t’accroches, ils veulent le laver, tu refuses, ils insistent, malmènent les fils ton corps troués se déchire, l’odeur évaporée. La même chevelure fille parcourt les bois, le cœur brun les réponses se supposent. Une guirlande flotte au vent un soir de noël désordonné, tu avais reçu un chaton. Il est resté, rond sous roue, noyé.

Biarville_2019_Large_Automne_Bois et forêt_Hautes Vosges lorraines