enfances #05 | Seî Shonagon, émerveillements

marvel (n.)

c. 1300, merivelle, « a miracle; a thing, act, or event which causes astonishment, » also « wonderful story or legend, » from Old French merveille « a wonder, surprise, miracle, » from Vulgar Latin *miribilia (source also of Spanish maravilla, Portuguese maravilha, Italian maraviglia), altered from Latin mirabilia « wonderful things, » from noun use of neuter plural of mirabilis « wonderful, marvelous, extraordinary; strange, singular, » from mirari « to wonder at, » from mirus « wonderful » (see smile (v.)). A neuter plural treated in Vulgar Latin as a feminine singular. Related: Marvels. The Marvel comics brand dates to 1961.

Mirabelle

Les pierres de terre comestibles ramassées dans le panier en osier en parcourant les sillons de terre matinalement roséifiés, juste avant l’heure du deuxième petit-déjeuner avec les Zhoms de Terre.

Une cabane en bois sur une plage à travers une vitre de voiture, une portière qui s’ouvre et qui se ferme sans que je puisse m’y faufiler car « l’école de voile, c’est pour les garçons Alexia, c’est ton frère qui y va. ».

Une table d’école dans le silence d’un devoir sur table pendant les très longues minutes après que j’ai fini l’exercice sur les divisions, bien après avoir regardé l’arbre à travers la vitre, ayant voulu aider ma voisine de gauche quand j’ai lu à quel point elle n’avait rien compris et l’entendre me dire « laisse-moi tranquille !!! c’est toi qui n’as rien compris ! ».

La voix de ma mère qui me crie de monter dans la voiture pendant que mes yeux ne peuvent pas se détacher d’Une lumière néonique dans la nuit noire et sans étoile, avec deux profils dedans, un homme et un petit corps, au loin des garages de la cité, qui s’échappent dans un des dédales.

Une route, des arbres, la voiture arrêtée entre deux d’entre eux, le coffre ouvert d’où Ben a sorti la grosse bassine rouge pour la déposer au pied de l’un d’eux et lui qui secoue l’arbre pendant qu’il pleut des mirabelles jaunes et rouges de l’arbre.

Le corps d’Un mouton vide et sans tête dans la baignoire de la salle de bains et Ben qui le caresse d’épices et d’huiles en souriant, me prenant la main pour me montrer comment faire, et l’huile sur mes petites mains.

Entendre Ben raconter comment il m’a fait pénétrer dans une mosquée au Maroc en disant au gardien que si j’étais blanche c’était parce qu’il m’avait plongé dans une jarre de lait à la naissance, mais n’en avoir aucun souvenir.

Comprendre que je peux passer ma vie à passer d’une définition de mot à une autre en regardant tous les mots que je ne connais pas assise dans le salon qui disparaissait au fur et à mesure que je lisais.

L’image d’un sabot en bois surmonté d’une pièce de faux-cuir blanc à l’effigie de Maya l’abeille à mon petit pied gauche le long du flanc d’un poney sur une route en terre rouge parsemée de cailloux rouges.

La sensation d’abri lovée sur le ventre de Ben allongé dans le salon marocain pendant une Dernière Séance avec le sifflement des balles et des dialogues de western pour me bercer.

Une bille essence aux reflets pétrole que je ne pouvais pas m’arrêter de regarder.

La balle qui rebondit dans le but d’Un baby-foot dans l’arrière-sale d’un salon de thé dans le jaune-orangé d’une fin de jour d’été d’automne dans un faux-village qui n’en finissait pas d’essayer de paraître, en vain.

un crissement de pneu et Un cri derrière les buttes du chemin qui mène au plan d’eau alors que je lui avais dit de rester près de nous.

Les yeux qui se baissent pour tenter de se cacher sous la terre sous le chemin jaune quand je ressens La honte réflexe à l’entente Des cris que j’entends d’en bas du chemin de bois quand je rentre de l’école et le reste du chemin à parcourir pour les rejoindre sans aucune échappatoire possible, et relier cette image au mot Wohin pour l’éternité.

L’attente d’une note censée rattraper un zéro sur dix sans aucune autre option qu’un dix sur dix, l’égrènement des notes par le prof de sciences naturelles qui sait, la tectonique des plaques qui prend toute ses dimensions de mon petit corps à tout l’environnement immédiat de la salle de classe, le souvenir d’une réponse aléatoire, le prof qui énonce les noms des copies ayant eu un sur dix, deux sur dix, trois sur dix, quatre sur dix, cinq sur dix, six sur dix, sept sur dix, huit sur dix, neuf sur dix, y être presque, y être presque, ne pas entendre le prof passer aux noms des copies ayant eu dix sur dix et continuer à attendre, et, finalement, entendre mon nom et exulter de l’équation stabilisée.

A propos de Alexia

Chercheuse par diplôme (Master 2, 2018) en littérature anglaise du 20ème siècle à Tours, indépendante car pas rattachée à une université pour l'heure, je fais des mousses au chocolat, des îles flottantes, du pain perdu caramel, des meringues, des crèmes brûlées...un jour, j'arriverais au niveau de la tarte au citron de Blanche!!! je l'aurais un jour!!! je l'aurais!!! En attendant, j'épluche aussi des pommes...

2 commentaires à propos de “enfances #05 | Seî Shonagon, émerveillements”

  1. j’avoue bloquer sur « exotisme »…

    1590s, « belonging to another country, » from French exotique (16c.) and directly from Latin exoticus, from Greek exotikos « foreign, » literally « from the outside, » from exo « outside » (see exo-). Sense of « unusual, strange » in English first recorded 1620s, from notion of « alien, outlandish. » In reference to strip-teasers and dancing girls, it is attested by 1942, American English.

    https://www.etymonline.com/search?q=exotism

    du coup, je me permets une petite auto-citation reprise du mémoire sur Dentooooooon…

    «  »I’ve eaten chocolate and cherries and read two stupid stories by Somerset Maugham.  »
    C’est Edith Sitwell qui recommande la lecture de Somerset Maugham à Denton Welch lors de leur entrevue relatée dans le Journal .Ce que l’on peut déduire de la qualification de stupid des écrits de Maugham par Welch, c’est qu’il a pour le moins un sens critique aiguisé. Ce n’est pas parce qu’Edith Sitwell le lui a recommandé qu’il ne l’exerce pas. C’est d’ailleurs un auteur qui est, de nos jours, étudié sous un angle particulier en tant que représentant d’une tradition coloniale et donc témoin des biais culturels en la matière. Denton Welch est né et a grandi entre plusieurs cultures, dont celle de Shangaï. Il est à même de percevoir un orientalisme de salon quand il le rencontre, fut-ce chez un auteur présenté par son mentor. Mais regardons de plus près le tableau de cette entrée. »

    Mais si j’ai réussi à un peu suivre hier soir pendant la visio, j’ai peut être le fameux premier mot du prochain texte, merci!