#été2023 #05 | à la place



J'ai repris l'ensemble de mes textes dans un format word pour obtenir une vue d'ensemble. A chaque nouvelle étape, je les revisite. Je sais que les parties sont liées mais à chercher la bonne distance pour épouser mon matériau sans y fondre ou suppurer ou cloquer, à chercher comment faire résonner l'expérience à l'aide de chaque propositions d'écriture, j'ai provoqué beaucoup de nœuds. J'en ai démêlé certains. 

Les noms des personnages s'étaient brouillé comme s'il y avait de la friture. J'ai repris le fil. Ici on reprend avec Eva. (Léna n'est pas de la même génération qu'Eva, plus jeune, contrairement aux apparitions précédentes de Léna. Léna est remplacée par Anne, du même âge qu'Eva dans le texte au format word).

Des gens qui apprennent très vite, j’en ai connu. Les garçons qui veulent tout savoir des choses nouvelles à connaître. …Un coup de fusil dans la tête. Un fusil de chasse. Un de ceux qu’on a retrouvé au fond de la vieille armoire en vidant la maison des parents de P. Les draps, les couvertures, et dans la partie penderie une carabine avec sa crosse en bois lisse et un canon en métal très long. Elle mesurait la largeur de la penderie, une grande armoire de campagne en bois. (Eva)

Même l’armoire en bois de la chambre du fond – elle touchait le plafond – est devenue un décor. Mes étés enfant à tout faire vivre chaque pièce chaque objet de la maison, j’ai bu jusqu’à plus soif. Les gens qui apprennent comme des petits jouets mécaniques à remonter, c’est d’eux qu’elle parle. Elle en vise un mais c’est l’ensemble qu’elle engueule. Elle a passé des années à parler à des garçons qui avaient son âge. Celui qui passe à la vitesse d’une idée dingue. Mais le dingue c’est lui, sous sa mâchoire. Elle veut nous en dire un peu plus mais c’est déjà avalé, la salive dévale la paroi et s’engouffre dans son conduit vers une glande silencieuse. (la narratrice qui scrutait le phare miniature de Cape Cod, la fille d’Eva)

Mon père ne voulait pas il voulait tout. Tout ce que la vie peut enlever– vous voyez où je veux en venir ? Je sais ça, son canon à la place du cerveau. Peut-être que c’était aussi la place du cœur. Ma mère a vu le canon, dans son cerveau elle a entré un canon c’est lui qui m’a engendré son phallus. On l’a passé biologique une fois dans la terre revenu à la terre mon père biologique comme tu consommes bio. Je creuse sa terre sa terre de mort de cerveau phallus ma mère l’engueule le silence le dingue c’est lui. Le dingue le biologique le père biologique mes parents dans la biologie. Dans le vivant les sciences du vivant moi le dingue encore dedans – mon père il voulait tout. On en a plus rien dit du tout. (Élise, l’aîné des filles d’Eva)

Je me suis toujours bien entendu avec ma sœur mais j’étais le seul garçon à la maison. Castor est comme moi, un gars de son village qui n’y est pas retourné vivre. Je l’ai rejoint finalement. Ben tu vois Castor, Popo habite dans le coin lui aussi. Papa et maman sont serrés à côté. Castor j’ai pris soin de ta petite, Eva et moi on s’est bien occupés d’elle chaque jour que la vie nous a présenté après toi. Enfin tu connais Eva, elle était pas du genre à te laisser avoir raison. Elle a dit la petite vivra. C’est à moi qu’elle l’a dit mais ce jour-là, Castor, c’est à toi qu’elle le disait. T’étais sous terre, et la petite tout près. Ça s’est passé sans mots mes yeux tenaient Eva en face d’eux, elle me plaisait tu sais qu’elle m’a toujours plu. (P.)

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

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