#été2023 #05 |  ce qui échappe

Les frêles embarcations de pêcheurs à la lanterne ont disparu, la nuit nous enveloppe de ses derniers lambeaux, la brume éphémère protège encore nos ébats dans la chambre trois cent une. Est-ce une erreur, un égarement passager, une fredaine tout dépend du degré de gravité qu’on accorde à cette irrégularité, une infidélité pour être tout à fait honnête, encore que l’honnêteté soit un conditionnel, un champ lexical. Comment échapper dans cette atmosphère troublée à l’attrait d’une peau souple aux accords floraux, capiteux, une emprise sur la main de nos désirs. Pendant que son époux est reparti hier soir. 

Heureuse et coupable, j’ai trouvé les excuses,  justifier cet abandon aux besoins de l’expérience à me laisser glisser le temps d’une folie, d’une tentation aux bras vigoureux. Prendre le risque c’est déjà imaginer les conséquences. Le temps se dissocie, se fige, on anticipe celui dans lequel on se perd et qui déjà nous rattrape. Les massages à quatre mains prolongeront nos caresses. J’espère que personne ne l’a vu sortir de ma chambre. 

Chaque matin au soleil levé, la terre a avalé la chaleur de la veille, je marche sur l’herbe humide, la fraicheur me pénètre et le discours du mainate me tient compagnie. Nulle lassitude à ramasser de ma pique les feuilles éparpillées, d’un geste lent et précis je balaie les fleurs rouillées des frangipaniers accrochées aux brins d’herbe. Mon regard se pose sur les racines d’orchidées, elles prospèrent librement dans l’air du matin. Je n’ai pas encore relégué le sari traditionnel pour la tenue plus moderne, une tunique et pantalon, plus pratique pour les tâches. Plus tard je ferai les chambres  deux cent une,  trois cent une qu’une silhouette a quittée soudainement, peut-être Daveesh ou quelqu’un d’autre difficile à dire, puis les quatre cent une et cinq cent une.

Divia et Santu, délicates masseuses  caressent ce corps voluptueux qui  frémit de bonheur, un corps heureux se dévoile sans retenue et se laisse attendrir, la pulpe de ses désir se dépose au bout de nos doigts.  Elles échangent un sourire complice, s’entendent à mots murmurés, incompréhensibles. Elles reconnaissent la rondeur d’un corps aux désirs assouvis. Une métamorphose mystérieuse, le contentement  remplaçant la morosité d’hier alors que son mari était encore là.

Je suis le directeur de ce centre à la bonne réputation internationale qu’aucun soupçon ne doit ternir. Je vais dissiper les doutes qui me tracassent. Les règles doivent être respectées, aucun désordre ne doit survenir ; un animateur doit se tenir à bonne distance des participantes. Si le personnel est au courant, je redoute les querelles qui pourraient surgir entre ces dames, l’éternelle discorde…

3 commentaires à propos de “#été2023 #05 |  ce qui échappe”

  1. « Chaque matin au soleil levé, la terre a avalé la chaleur de la veille, ». J’aime cette image et je suis attentives aux péripéties qui se profilent. Merci