#été2023 #05 | Fouteurs de bordel

La mère
Comment ça va être maintenant. Comment ça va aller. Toujours à m’accuser. Me dire c’est toi. Ta faute. Tu m’as embourgeoisé. Mais c’est pas vrai. Il était comme ça. Lui. Toujours en costume trois pièces. Le plus élégant de l’université. Et fier. S’acheter des costumes bien chers. Faire carrière. Assistant puis prof d’unif. S’enfermer dans son bureau pour écrire. Des articles, une thèse. Et comment ça l’avait rendu malade quand il avait pas eu la grande diss. Et se prendre pour une poète. Si à 30 ans je suis pas reconnu je me suicide. Qu’est-ce qui a mal tourné.

Le père
Jouir. Être libre. Faire l’amour comme un fou. Tout le temps. Oser. Tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi. Pas de regret. Mais c’est pas vrai tout ça. J’ai la trouille. Un putain de trouille. J’ai la trouille tout le temps. La trouille de tout. Du noir. De mon père. Des femmes. Une moto. Une grosse. Rouler les cheveux au vent. Et emmerder la mort. Partir avec la fille que j’aime. Et voir le monde. Mexique. New-york. L’Inde. Emmerder ma famille. Mon salopard de père. Ma vicelarde de mère. Tout recommencer. Etre libre.

La mère
La thérapie de groupe. C’est ça qui l’a changé. Pas moi. Quand il revient de sa thérapie des fois il est comme fou. Est-ce qu’il va se calmer. Redevenir lui-même. Je sais plus quoi faire. Comment je peux le convaincre. Et les enfants. Ils vont devenir quoi. Lui c’est après moi les mouches. Pourquoi j’ai pas ouvert les yeux tout de suite. Et ce jeune homme qui me courtisait. Gentil. Pourquoi c’est de lui qu’il a fallu que je tombe amoureuse.

Le père
Travailler ça m’emmerde. Je crois plus au travail. Ni aux règlements. Moi je veux rire. Etre fou. L’improvisation. L’inspiration dans l’instant. L’art il n’y a que ça. Etre artiste ou n’être rien. Pas de barrière. Pas de catégorie. L’art total.

La mère
Ce groupe qu’il a monté. Soi-disant du théâtre de rue. C’est pas de l’art ça. C’est de l’agitation. Ca veut juste choquer. Emmerder la police. Faire du bruit autour de lui. C’est ça qu’il veut. Mais qu’est-ce qu’il risque. Il sait bien qu’il sera pas viré. Par contre les autres. Y sont jeunes. Eux c’est grave. Mais iI les manipule. Il manipule tout le monde.

Le Colonel
Ce blond qui jouait de la guitare électrique dans la cour. Et l’autre avec ses sabots et son chapeau boule qui s’égosillait comme une poule. Et celui avec sa perruque et sa jupe de femme qui tapait sur un tambour. Et même pas en rythme encore. Une fanfare d’idiots. Les ai fait décamper. Fouteurs de bordel.

Le père
Cat stevens, John Coltrane. Archie Sheep, Sun Ra. Et Jan Garbarek. Tous ici. Au château. Et moi le maître. Le maître du château.

La mère
Et moi ? J’ai l’air de quoi. Et les enfants. Comment il se rend pas compte. Il nous détruira tous.

Le Colonel
Jamais vu des zinzins pareils. Sauf la petite. Elle je la garderais bien. A pleurer seule sur l’escalier. La garder au château. Quelle bande. Ca fait des enfants et ça sait rien faire d’eux. Même la mère.

A propos de Sybille Cornet

Je n’ai pas de page Facebook ni perso ni privée. Ni d’instagram. Et pas de site non plus autour de mon travail. Je sais que question communication c’est pas top. Je vis mieux dans l’ombre. Mais je travaille à tenter d’en sortir. Je suis autrice et metteuse en scène. Principalement de théâtre jeune public. Le théâtre jeune public est un milieu qui vit un peu en autarcie. On se connait tous et toutes. Et donc la nécessité n’est pas forcément là pour me pousser dans le dos. J’ai une pièce de théâtre publiée Le genévrier chez Lansman. J’ai un texte publié dont je suis contente, une ode aux pieds nus (La matière du monde) édité chez Post industrial animism. J’ai publié des textes poétiques dans un magazine que j’adore et qui s’appelle Soldes almanach, magazine assez branque sur les nouvelles utopies. Il y a une adaptation sonore d'un spectacle performance sur le Syndrôme de Stendhal que j'ai écrit et performé ici : https://www.dicenaire.com/radioautresauborddumonde . Pour le reste, j’ai écrit et mis en scène une bonne dizaine de spectacles, adultes et enfants. Ma compagnie s’appelle Welcome to Earth. J’ai aussi fait un peu de poésie sonore. Pour l’instant je monte un spectacle pour tous petits qui raconte une amitié entre deux arbres, un petit pin nain et un bouleau. Ça s’appellera sans doute Inséparables. J’accompagne une actrice slameuse qui monte un seule en scène autour de sa grand-mère et de l’avortement. Le titre : Bête d’orage. Je fais partie d’une commission qui octroie des aides à la création aux créateurices jeune public et je lis beaucoup de dossiers d’artistes. Aussi étonnant que ça puisse paraître, ça me passionne complètement. Lire des dossiers d’intention de spectacles m’intéresse parfois plus que de voir le spectacle lui-même. J’étudie aussi la dramaturgie (mais ne me demandez par contre pas ce que c’est ok ?). Ah oui, je suis belge et je vis à Bruxelles, ville que j’aime entre toutes.