#été2023 #07bis I ce qui apaise l’âme

Sa cuisine est une sorte de vortex dans lequel on plonge sans certitude d’en ressortir indemne. C’est étonnant. Parce que le reste de la maison ne laisser pas présager de ça. De ce vortex. Un vortex dans une cuisine c’est évidemment inattendu. On l’imagine dans la cave. Ou à la rigueur dans le grenier. Dans une tour abandonnée, ce que nous n’avons pas ici. Mais difficilement dans une cuisine. Quand on pénètre dans sa cuisine c’est d’abord la stupéfaction. On est pris. A la narine. Par l’odeur. Cette odeur dont on n’a pas parlé. Pas encore parlé. Mais on ne sait pas en parler vraiment. C’est une odeur indéfinissable. Absolument. Sans doute le premier réflexe est d’en chercher l’origine. On regarde dans le bac de l’évier, on interroge des reflux possibles. On regarde d’un oeil circonspect les plats entamés traînants sur le plan de travail. On ouvre avec suspicion le lave-vaisselle. Pour les eaux stagnantes. On cherche peut-être aussi des canalisations bouchées. Puis on se tourne. Finalement. Vers le frigo. Il est blanc, un frigo blanc c’est normal. Un frigo blanc ça rassure. C’est toujours rassurant un frigo. Mais quand on l’ouvre. Ah. Ah oui. Ah oui d’accord. C’est ça. C’est. Ca. On ne se dit pas c’est ça tout de suite. Tout d’abord on est frappé de stupeur. Ou de stupéfaction. Parce que ça, un frigo comme ça, on en a encore jamais vu. Le frigo est plein. Bourré. Bourré à craquer. Il y a des légumes, dans le bac à légumes. Toutes sortes. Des carottes. Des poireaux. Du céleri branche. De la salade. Mais tous les légumes sont restés dans leur emballage plastique. Et ils ont transpiré. Puis ils ont moisi. Ou alors pourri. Et ce n’est qu’ après qu’il y a du jus, une sorte de jus de putréfaction de légumes qui s’est mis à couler goutte à goutte au fond du plastique. Et c’est ça. Oui l’odeur dont on ne sait que dire. Ou alors c’est la charcuterie. Le boudin blanc. Qui est devenu gluant. Ou alors le jambon à l’os. Il a verdi. Mais c’est peut-être le poulet ou le steak. Ou alors le poisson, le filet de cabillaud. On regarde les dates de péremption. Non. Mieux vaut ne pas regarder les dates de péremption. Dans la porte. On voit une rangée de bombes de crème fraîche. Des bombes aérosols. Certaines sont récentes et d’autres. D’autres moins. Ca se voit surtout à la crème fraîche qui a tourné au vert-de-gris et qui sort par l’embout de la bombe. Là aussi on résiste à l’envie presqu’irrésistible de lire la date de péremption. Ce frigo est un champ de bataille. Qui vire au carnage. Pourtant. Au milieu de ce cauchemar, sur un des étages du frigo, on aperçoit soudain quelques denrées fraîches, pimpantes resplendissent. Qui apaisent l’âme.

A propos de Sybille Cornet

Je n’ai pas de page Facebook ni perso ni privée. Ni d’instagram. Et pas de site non plus autour de mon travail. Je sais que question communication c’est pas top. Je vis mieux dans l’ombre. Mais je travaille à tenter d’en sortir. Je suis autrice et metteuse en scène. Principalement de théâtre jeune public. Le théâtre jeune public est un milieu qui vit un peu en autarcie. On se connait tous et toutes. Et donc la nécessité n’est pas forcément là pour me pousser dans le dos. J’ai une pièce de théâtre publiée Le genévrier chez Lansman. J’ai un texte publié dont je suis contente, une ode aux pieds nus (La matière du monde) édité chez Post industrial animism. J’ai publié des textes poétiques dans un magazine que j’adore et qui s’appelle Soldes almanach, magazine assez branque sur les nouvelles utopies. Il y a une adaptation sonore d'un spectacle performance sur le Syndrôme de Stendhal que j'ai écrit et performé ici : https://www.dicenaire.com/radioautresauborddumonde . Pour le reste, j’ai écrit et mis en scène une bonne dizaine de spectacles, adultes et enfants. Ma compagnie s’appelle Welcome to Earth. J’ai aussi fait un peu de poésie sonore. Pour l’instant je monte un spectacle pour tous petits qui raconte une amitié entre deux arbres, un petit pin nain et un bouleau. Ça s’appellera sans doute Inséparables. J’accompagne une actrice slameuse qui monte un seule en scène autour de sa grand-mère et de l’avortement. Le titre : Bête d’orage. Je fais partie d’une commission qui octroie des aides à la création aux créateurices jeune public et je lis beaucoup de dossiers d’artistes. Aussi étonnant que ça puisse paraître, ça me passionne complètement. Lire des dossiers d’intention de spectacles m’intéresse parfois plus que de voir le spectacle lui-même. J’étudie aussi la dramaturgie (mais ne me demandez par contre pas ce que c’est ok ?). Ah oui, je suis belge et je vis à Bruxelles, ville que j’aime entre toutes.