#été2023 #14 | Théâtre d’optique

Le cinéma a été précédé de bien des inventions… Les ombres chinoises sont vietnamiennes, le savais-tu ? Que dire aussi des feux pyriques version plus sûre des feux d’artifice intérieurs qui nous valaient autrefois quelques incendies ? Que dire encore des théâtres d’optique et de ces perspectives ouvrant sur une lointaine scène qu’habille une succession des silhouettes de papiers figurant des paysages et tout un environnement complexe ? Telle est parfois la sensation que me procure un regard sur la place, sur la vallée, sur les mouvements des corps plantés comme des pantins au cœur des rues. Il y a quelque chose ici, du rêve ou du théâtre, de l’illusion d’optique et de la miniature.

Au bas du village, dans un parc prévu à cet effet, de nombreux décors sont reconstitués à petite échelle, des enfants flanqués à leur droite et à leur gauche, d’individus plus âgés, plus grands, décalés dans cet univers de petite taille, disons des parents, grands-parents, ascendants divers, s’y affairent, menacent de détruire d’un coup de pied le Mont Saint-Michel et un peu rabroués repartent en boudant après avoir enjambé la Loire et le château de Chambord.

Le salon de thé jouxte le magasin d’antiquités, et je confonds régulièrement les deux ne percevant plus bien lequel ou qui, d’une femme à l’opulente toison blanche aux reflets bleutés ou du vase Gallé est le plus ancien et s’offre au regard comme à la vente.

Plus loin, les décoctions de l’herboristerie, qui n’a pas souhaité prendre le nom de pharmacie, s’entassent dans des sachets cartonnés illustrés de motifs végétaux et de longs paragraphes en italique qui en décrivent toutes les vertus pour la santé des cheveux, la circulation de la lymphe et du sang, la vivacité du regard, la solidité et la blancheur des dents, l’efficacité du système cardiovasculaire, la réduction des varices, le bon équilibre, la souplesse et la fermeté de la peau, la réduction des glaires, la production salivaire et la qualité de la digestion.

Vertige des temps et des lieux, à l’impossible récollection se substitue l’obsession prédatrice du collectionneur, la curiosité vorace de l’enfant avide de silhouettes et de mouvements. On s’échappe on fuit, et voilà que le corps la tête reprennent leur droit, on est voyageur et voyageur on scrute et découpe l’environnement passant à porter, glissant le soir venu dans la chambre de l’hôtel désert le sac plein de légos, autant de briques de sensations et de lumière à recomposer au retour.

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?