#été2023 #01 | vignette une, agitation

Une branche du saule s’agite sous le souffle du vent tiède. Un souffle aussi puissant que le souffle d’une gamine de cinq ans sur les bougies de son gâteau d’anniversaire, parfum pistache spéculoos avec quelques copeaux de chocolat à la vanille, et la hâte de s’empiffrer d’une part généreuse sans se soucier d’éventuels maux de ventre. Par la fenêtre grande ouverte, on entend sonner le clocher de l’église. Une fois. Igor griffonne quelques mots. Pèlerinage. Etienne. Faire diversion. Moteur de tondeuse. Tour de clé dans la serrure. Etienne comme le nom indiqué à l’encre rouge derrière la photo aux bords abîmés qui sert de marque-page à La peste de Camus posé sur le coin gauche du bureau en bois massif. Qui est-il derrière ses lunettes à gros verres ? Son frère jumeau ? Son fils ? Un camarade de lycée avec lequel il partageait sa passion des mathématiques et les longues discussions sous l’abribus d’une rue à proximité de la place principale du village une fois le dernier bus passé ? Quatre fois. Igor se lève de son fauteuil en cuir brun, dérangé par l’odeur de l’herbicide que vient de verser son voisin sur les mauvaises herbes amassées sur le rebord de leur trottoir, essentiellement de la morelle noire, avant de s’éclipser à la hâte pour éviter d’être sermonné, et fait les cent pas dans la pièce de neuf ou dix mètres carrés. Neuf ou dix mètres carrés comme la chambre qu’il occupait à Quimper pendant qu’il travaillait à la plonge dans une crêperie chaque midi et soir de l’été soixante-trois pour se payer un saxophone et s’inscrire à l’académie de musique. Il se souvient de Paul, son collègue. Ensemble, ils rêvaient de devenir les nouveaux Che Guevara. Huit fois. Igor se rassoit, reprend son stylo pour écrire une phrase. Il est freiné dans son élan par le bourdonnement d’une mouche qui vient d’entrer…