#été2023 #01bis | trop plein

Le passage achoppe. Gober un grand ciel de futur, l’air se renferme. Jeter des couleurs, l’œil ne voit plus. Appareiller une terre, l’horizon se noue. Il reste le temps. Là, on ne sait pas ce qui arrive. Peut-être seulement un âge mais il faut buter contre, le mettre chaos. Cet âge où le creux s’est élargi. À passer par des lézardes, des écoutilles, des radicelles, soudain un fil d’or s’immisce sans alarme et nous tient – comme un premier regard. C’est un regard ou une voix ou un corps on ne sait pas où est la prise. Une sorte de vérité monde. Il faut sortir un bouclier, régler ses comptes comme on peut sortir sa colère mais surtout tamiser et écrire. Parce que c’est juste un trou, un trou vrai, plein, entier. Mais un trou.

C’est là qu’a aimé Léna. Elle te l’aurait peut-être dit un jour si tu avais été cette étrangère croisée dans la rue. Elle a posé quelques mots qui se racontent entre inconnus. Ses mots disent comment tu es née. De la terre et de la pluie qui s’imprègnent et se séparent. 

Léna. Sa signature au bas d’une lettre qu’elle n’a pas envoyée. Elle dit que même un grain de poussière une mouche qui gagne la fenêtre une étagère une voiture qui passe dans la rue un verre d’eau dans l’évier étaient compréhensibles. Chaque chose semblait à sa place mais elle ne pouvait dire laquelle. Un trop plein, avant que les particules lourdes retombent lentement vers le fond.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.

7 commentaires à propos de “#été2023 #01bis | trop plein”

  1. « Peut-être seulement un âge mais il faut buter contre, le mettre chaos ( K.O ?). Cet âge où le creux s’est élargi.  » [… ] C’est là qu’a aimé Léna. Elle te l’aurait peut-être dit un jour si tu avais été cette étrangère croisée dans la rue.[…] Léna. Sa signature au bas d’une lettre qu’elle n’a pas envoyée. […] Ses mots disent comment tu es née. De la terre et de la pluie qui s’imprègnent et se séparent.[…] Un trou […] Un trop plein avant que… »

    C’est un paysage de présences dans une « vérité monde » mais d’abord une colère empoussiérée… La disperser dans l’écriture pour la perdre de vue ?

    • Joli lapsus ! Donc « K.O ». oui.
      Dans ce moment d’écriture convoqué, une sorte d’effarement conduit à revisiter son identité avec colère. Jusqu’à un certain épuisement par l’écriture, une traversée aussi. Je suis d’accord. Merci Marie-Thérèse d’avoir suivi cette étape bis.

    • Merci Jean-Luc. Ce n’est pas aisé d’aboutir à cette triangulaire : se rejoindre, joindre l’histoire et le hors-soi, embarquer le lecteur. En écrivant tout est plus intuitif mais aussi moins contrôlé. Il y a comme quelques dégâts c’est possible…