#été2023 #02 bis | Arrivée en été

La route, une nationale, une trace dans la campagne estivale brûlée, des sillons de camions, des trente-huit tonnes. Il fallait toujours en passer par là, cette nausée, ces tressautements et ces vibrations du corps et de l’habitacle, ce refuge fragile et précaire, ce refuge malsain et nécessaire. L’impact du souffle des véhicules croisés, une balistique incarnée, vaguement rassurante, à chaque choc d’air on se retrouvait, sur la banquette arrière, en chien de fusil, un peu plus vivant. Les bourgades traversées étaient étroites, des murs sans yeux près des trottoirs, des façades striées de gris, invariablement, des rues vides avec pour seule distraction la trace passée des réclames peintes mangées de soleil. Après, plus loin, plus bas c’était une ville de garnison traversée de grandes avenues rectilignes et de casernements en angles perpendiculaires derrière de haut murs blancs. Il y avait un arc de triomphe, un lion fier au pied d’un Denfert triomphant. L’ascension commençait, la chaussée en lacets défaits, quelques kilomètres en équilibre à flanc de calcaire, en haut les platanes, une ligne fuyante, l’œil tiré vers le fond. Les pâtis brunis au soleil de juillet étaient posés derrière, à peu près familier. Une petite route à droite, au goudron fondu, en échappée entre deux champs, un de blé l’autre d’orge. On descendait sur quelques mètres, le tumulte des carcasses sonnait d’une façon décalée, vestiges d’un mauvais rêve vite oublié. Le grand mur blanc nous renvoyait notre écho passant et repassant et une esquive à droite, une dernière poussée devant le four à pain qui vomissait ses pierres, une grille verte et un petit creux de la route en léger dévers et des bâtiments, des poulaillers et des hangars, une étable en contrebas, des charrues dans la cour, des poules égaillées au milieu de débris de coquilles d’huîtres, et le mur de pignon de la grande bâtisse, sans ouverture, juste une petite fenêtre, qui apportait encore le couvert de son ombre. Et puis, une grille en fer, peinte en vert, et une ouverture dedans, une porte surmontée d’un grelot : elle menait dans cette petite courette avec des parterres fleuris en d’autres saisons. Une vigne hasardait ses vrilles sur le crépis de la façade, on la remontait jusqu’au tronc lignifié planté le long de la porte, à côté d’un robinet, des chats prenaient la fuite, à l’intérieur ça aboyait, il était temps d’y rentrer.