#été2023 #03bis | Quatre ou peut-être cinq…

Ils sont quatre ce matin dans le grand hall de l’hôtel quand elle descend et se rend à la réception pour prolonger son séjour. Quatre, le réceptionniste, elle-même et ce couple, elle cette jeune femme d’environ vingt-cinq ans, peut-être un peu plus, taille moyenne, jean et baskets, chemise légère, cela lui fait bizarre, à elle, cette jeune femme, d’être à la réception d’un hôtel en train de faire son check out avec un homme qu’elle ne connaît pas et avec qui elle a passé deux nuits, ce n’est pas dans ses habitudes, elle préfère connaître un peu les hommes avec qui elle passe une ou plusieurs nuits mais les choses se sont passées sans qu’elle y ait trop réfléchi et parfois c’est mieux ainsi, parfois elle réfléchit trop, que ce soit à ça ou à autre chose et à trop  réfléchir parfois on loupe des occasions, des trains qui passent, dans lesquels on ne monte pas, rien de ce type certainement ici, juste une récréation, elle est là au comptoir de la réception de cet hôtel budget, cet hôtel un peu passe partout pour des moments passés aussi vite oubliés. Elle la regarde et elle voit cette longue chevelure rousse, frisée, que traversent tout soudain les rayons du soleil matinal rasant le comptoir de la réception, pour venir inonder l’écran de l’ordinateur où le réceptionniste dissimulé derrière d’épaisses lunettes tente de se faire une idée plus claire des comptes à clôturer pour chacun des clients. La chevelure de magicienne qu’arbore cette cliente, n’est pas de nature à lui faciliter la tâche, lui qui déjà n’est pas du matin et qui doit, pour ce job qu’il vient de décrocher comme réceptionniste d’un hôtel de la capitale, se lever aux aurores et prendre le train de 6h30 pour commencer son service à 7h45. Heureusement que son train s’arrête à la gare souterraine en bas de l’hôtel, il ne doit même pas sortir et le voilà paré en cas de mauvais temps. Des couples comme celui-ci, ce matin, il n’en a pas encore vu beaucoup, mais il se dit qu’il va certainement en voir d’autres, il ne fait que débuter dans la fonction. L’homme est plus âgé que la fille, la quarantaine grand maximum, un tout autre style, costume de drap fin, cheveux châtains courts, d’une voix assurée, il procède au check out, ils ont payé chacun une nuit. Il n’adresse même pas un regard à la fille en jean et basket qui se tient à côté de lui, peut-être même a-t-il oublié qu’elle est là, mais non finalement, lorsqu’il en a terminé, il se tourne vers et lui décoche un sourire enjôleur, un regard doux et profond. De loin, elle voit un homme qui vient de sortir de l’ascenseur, leurs regards se croisent une fraction de seconde et il se dissimule aussitôt derrière une colonne; il la regarde elle, la fille à la chevelure toujours illuminée, comme si elle était frappée d’un éclat divin. Bouche bée, comme électrisé, il ne peut détacher son regard d’elle mais déjà elle s’est détournée, elle échange quelques mots avec l’homme au costume de drap fin puis quitte le comptoir pour lui laisser la place à elle, qui veut prolonger son séjour. Il ne s’approche pas, il préfère rester en dehors de la scène de ces quatre personnes qui se lancent dans cette nouvelle journée. Lui, il n’a rien de spécial à faire. Elle s’approche du comptoir, c’est son tour, elle va prolonger son séjour dans cet hôtel où elle a commencé déjà une partie de la nuit à écrire les premières pages de son livre.

A propos de Catherine K.

Mon nom complet est Catherine Koeckx (prononcer Kouks). Citadine depuis toujours mais avide de nature et de grands espaces que je partage par la photo ou l’aquarelle (www.catherinekoeckx.be), je suis aussi passionnée par la ville (@bruxelles_autrement). Bruxelles mais pas que... J’ai publié Le Guide lovecraftien de Providence en 2021 (disponible sur Amazon.fr ou sur commande privée). Je viens de lancer mon blog littéraire Itinéraires pluriels (https://itinerairespluriels.wordpress.com).