#été2023 #10 | Eva hors de ma vue

Ici je reconnais que j'ai écris quelques parties en dehors de notre blog. Cela s'est passé en relisant les morceaux basculés dans le document PDF. Ils ont bougé, je lime, rabotte, coupe, et par endroits des rejets reprennent. Des branches nouvelles un peu fouillies. Il manque donc des morceaux ici. Mais plus embêtant, il s'est passé des choses. Tant pis, on reprend. 9 et 9bis sautées, trop loin de la proposition je ne les ai pas publiées. Maintenant Eva disparaît...

Maintenant on laisse Eva rencontrer C. On la laisse à la figure 75 abrégée en trois lettres suivies d’un point, fig.75, au schéma du cycle de la photosynthèse. On la laisse entrer dans une liaison chimique, on la laisse épouser un composé bien connu, fig. 75 quatre flèches jaunes ondulent vers le glucose d’une feuille verte, l’équation transforme, les composants s’harmonisent dans un nouvel équilibre : le dioxyde au contact de l’eau comme les mauvaises pensées disparaissent, le carbone, l’hydrogène et l’oxygène s’associent vers le pays sucré du glucose. De la boue nait le glucose. Fig. 75, Eva en était là, en retard sur le programme pour la notion capitale de son cours, avant que C. n’entre tel un photon dans son existence, que des composants opposés libèrent de nouvelles forces. Oublions l’équation, ce jour-là, Eva tente un nouvel équilibre. Sur le continent mort, la vie était revenue une première fois, des maisons s’étaient alignées le long d’une baie des fenêtres lumineuses s’éteignaient le soir et se rallumaient au matin, de loin elles formaient une bande lumineuse en bord de terre. Mais le continent mort épouse difficilement la bordure, Eva trace au trait noir épais le contour de ses journées. Laissons-là sauter la barrière. Laissons-là onduler vers le glucose d’une feuille verte, entrer dans un nouvel équilibre, épouser des photons lumineux. Laissons-là entrer dans le pays sucré où les mauvaises pensées disparaissent.

A partir de là, peut-être ne s’agit-il pas tant d’un jour unique, de la figure 75, peut-être que leur rencontre s’est déroulée autrement, leur attirance évolue lentement, leurs corps finissent par se toucher et s’étreindre, de simples plantes en expansion. On laisse Eva sortir du cadre, glisser, superposer, feuilleter sa vie au gré des événements extérieurs. Pourquoi imaginer un cercle, le nid, ou un rectangle, la maison, ou des formes fermées ? La vie pousse, épaissit comme une mousse, se ramifie en de multiples branches, des situations s’infiltrent, s’imbriquent et finissent par tapisser les jours dans leur durée, dans le cours de la vie. C. et P. chacun dans une branche de l’évolution, dans une branche de la vie d’Eva. Cette vie ne lui appartient pas, pas plus qu’aux espèces qui cohabitent avec elle, cette vie Eva y multiplie les réseaux vitaux. N’y avait-il pas, le trait noir épais qui contourne les journées, le continent éteint qui épouse difficilement les bordures, le tissu demande a se renforcer, des vaisseaux doivent circuler plus nombreux, amener des ressources, renforcer la force de l’ensemble. Une structure de soutien s’installe sur une nouvelle branche de l’évolution, une vasculature grandit. Bryophytes, ptéridophytes, gymnospermes, angiospermes, les branches se ramifient, Eva revient de loin et c’est aux plantes à fleurs, ultime catégorie, qu’elle aspire comme une vie s’épanouit.

A propos de Nolwenn Euzen

J'écris dans les ateliers du Tiers Livre depuis 2022. Cycles: "techniques et élargissements" , "le grand carnet", "photofictions" ou 40 jours d'écriture au quotidien" (juin-juillet 2022). Mon blog le carnet des ateliers concerne quelques séjours d'écriture et ateliers que je propose, associés notamment à la marche à pied. J'ai publié deux livres papiers et un au format numérique quand j'étais plus jeune. Je me fâche régulièrement avec l'écriture et me réconcilie. Je suis d'abord une infatigable lectrice. "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue Ces revues m'ont accueillie dans le passé: La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune... Et, grâce à l'anthologie "La poésie française pour les nuls" (éditions First) je sais que dans un des livres de la bibliothèque de la ville où j'habite, c'est moi. Et ça compte d'être tatouée comme ça. J'ai participé plusieurs années aux échanges de blog à blog des "vases communicants" - mon site a disparu depuis. En 2007, j'ai bénéficié d'une bourse de découverte du CNL. Le texte a été abouti. J'ai bifurqué vers d'autres urgences. Enfin voilà quand même, je suis contente d'être arrivé là bien qu'aujourd'hui le temps a passé et que j'ai toujours un casque de chantier sur la tête. J'aime ça.