#été2023 #11bis | malaparte

malaparte, ce nom lui dit quelque chose — on a un livre de lui, je ne l’ai pas lu. — tu devrais — je vais le retrouver.
Perché sur une chaise et sur la pointe des pieds, il fouille en haut de l’étroite bibliothèque de la pièce au vitrail. Le soleil est si chaud qu’ils ont tout fermé, il essaie de se repérer dans le noir, elle le guide depuis le sol tant bien que mal. malaparte malaparte je suis sûr qu’on a quelque chose. Las, le seul italien à cette hauteur d’étagère c’est moravia. Le Mépris est arrivé la semaine dernière, ils se sont abonnés à la bibliothèque du Club de la Femme, une autre idée à elle pour tenter d’éloigner l’ennui, un livre arrive chaque mois, La Peau de malaparte c’était il y a quatre ou cinq mois, sûr qu’il est quelque part. Le Mépris, dernier arrivé, ils ne l’ont pas encore lu mais en feuilletant elle a vu les photos piccoli, bardot, palance, l’interview de moravia, l’année dernière, ils ont vu le film de godard. Ah voilà, c’est dans ce film qu’on a entendu ce nom malaparte, la villa, tu te rappelles, c’est là qu’ils ont tourné cette histoire de tournage de l’Odyssée qui tourne vinaigre. Elle, capri, ça l’avait emmenée sur d’autres eaux que les rizières où s’échinent des femmes et des enfants ou le lac au bord duquel ils piquent niquent les dimanches en regardant les sauts de parachutistes en quête de nouveaux cieux pour épancher leurs nostalgies coloniales et puis elle était prête à suivre Bardot au bout du monde. Lui il a trouvé cet homme Paul bien faible mais bon, ça ne valait pas le mépris définitif de sa femme et, à la fin, sa mort. Camille et Paul s’insultent sur l’escalier au dessus de la villa, Camille y méprise Paul. Il va lire ce livre, il voudrait comprendre le mécanisme de cette perte de confiance. Il revient de la guerre d’algérie, perdant, il a peur qu’elle ne le reconnaisse pas, il a peur de la perdre. Il avait quand même préféré Le jour le plus long, quelques mois avant, des soldats qui gagnaient une guerre ça l’avait requinqué, il en avait eu fierté un ou deux jours.
Cette architecture entre ciel et mer ça lui rappelle l’autre livre, il l’avait pris à la bibliothèque en ville, celui de pouillon, celui qu’il a écrit en prison, lui aussi il est passé par l’Algérie, pas toujours vainqueur. Bien sûr la verte vallée du thoronet n’a pas grand chose à voir avec la splendeur de capri et la rigueur cistercienne avec l’épicurisme malapartais mais de ces deux livres, ce qu’ils comprennent c’est l’alignement d’un lieu avec un désir, une volonté de se fondre dans le monde, d’en être totalement présent.
Alors quand elle a vu le film, elle a compris cette femme gagnée par le mépris pour son mari qui cherche à l’échanger contre un peu de reconnaissance. Son soldat, son guerrier à elle restera son héros c’est sûr.

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.