Histoire d’eaux

  • Les grandes villes, les capitales en particulier, sont traversées de façon notable par d’imposants cours d’eau : agrafés de ponts – bordés par endroits d’écluses –  ailleurs doublés de chemin de halage et quais ombragés propices à méditer paisiblement, déambuler main dans la main, ou encore deviser tout doux, un bras nonchalant enroulé autour d’une taille ! Là en effet se promènent les couples (officiels ou non, qui s’en soucie ?) sous ombrelles d’avant, sous acides et autres substances du jour. Les élus qui ont déployé ces fleuves et leur décor humain ont décidément un sens aiguisé de l’agréable pour courtiser leurs urbains.
  • Ici la route enjambe le Moros sur un pont avant de plonger dans la ville. En contrebas les bateaux en radoub dérouillent dans la cale sèche. Ils regardent les voitures passer par dessus  leurs écoutilles, leurs châteaux, cheminées, poulies, treuils et autres boulons. Ils les prennent pour des conserves de poissons volants.
  • À Aix en Provence sur le cours Mirabeau coulent les fontaines, la joie toujours ignore la peine comme on dit.
  • Là –bas le pont d’entre deux bourgs. Il escorte  la Loire paresseuse à l’endroit où elle fait des boucles larges et pousse la route contre la falaise. Pertuiset. Ça sent la vase en bord de flotte et les orteils grouillent comme des asticots dans l’eau trouble et un peu gluante. Je revois mon père lorsqu’il partait à la nage et fendait l’eau des épaules. Depuis à cet endroit on a construit un EHPAD dans une ancienne teinturerie. Celle que j’ai vue allongée dans sa maigre couche de fin s’enfonçait pâle et seule, un grand chapeau de paille suspendu au-dessus de sa tête. Ça lui faisait comme un soleil de Van Gogh ou bien  une auréole en attente.
  • Les grandes villes, les capitales en particulier, sont frangées de façon notable de quartiers totalement délabrés: immeuble moisis défaits branlants menacés d’effondrement. Balcons accrochés aux façades par trois bouts de ferrailles. Guirlandes de fils électriques sur fond de taches humides. Quartiers nord et bordures de voies ferrées. On y voit des individus se relayer sur le même matelas, des faces plus sombres qu’ailleurs pleurer en disant qu’elles ont alerté et supplié sans succès, des femmes fatiguées fouiller dans les décombres. Les citadins se réjouissent de ne pas y habiter. Les élus qui ont déployé ces quartiers et leur décor humain ont décidément un sens fute fute de l’agréable pour courtiser leurs urbains.

8 commentaires à propos de “Histoire d’eaux”

  1. C’est beau. Ca donne envie de se balader. Ca fait penser au temps qui passe. Un temps qui nous fait perdre un peu les belles choses.